Coup de tonnerre dans le monde de l’édition et nouvel épisode dans l’histoire de la dénonciation d’Anne Frank et de ses proches : Tanja Hendriks, directrice d’Ambo Anthos, l’éditeur de la version néerlandaise du livre Qui a trahi Anne Frank ?, sorti simultanément dans plusieurs pays le 19 janvier, a décidé, lundi 31 janvier, de suspendre l’impression de l’ouvrage.
La thèse finale du livre, évoquant l’arrestation des huit occupants de l’Annexe, à Amsterdam, le 4 août 1944, à la suite d’informations livrées à l’occupant nazi par un notaire juif, Arnold van den Bergh, a rapidement été remise en question aux Pays-Bas. La maison d’édition a, elle, estimé qu’elle aurait dû se montrer « plus critique ». Elle a présenté ses excuses à ses auteurs.
La parution du livre, rédigé par l’historienne canadienne Rosemary Sullivan, était très attendue. Et pour cause : The Betrayal of Anne Frank, édité par HarperCollins, devait prouver qu’à l’issue de cinq années d’investigations menées par Vince Pankoke, un ancien agent du FBI secondé par une trentaine d’experts, le mystère de la dénonciation était enfin élucidé. L’équipe d’enquêteurs affirmait, « avec un degré de probabilité de 85 % », que le notaire van den Bergh, protégé de la déportation par ses relations avec l’occupant, avait livré les Frank et leurs amis. Tous sont morts en déportation, sauf Otto Frank, le père d’Anne, dont le journal intime a été retrouvé après la guerre et traduit en 60 langues. Le notaire est, lui, décédé en 1950.
« Château de cartes »
Des chercheurs, dont l’historien Erik Somers, de l’Institut néerlandais d’études sur la guerre, l’Holocauste et le génocide (NIOD), avaient rapidement critiqué l’ouvrage. Bart van der Boom, professeur à Amsterdam et Leyde, démentait ainsi que le notaire ait pu avoir accès à une liste secrète des juifs cachés à Amsterdam : le conseil juif, instauré par les nazis et dont van den Bergh faisait partie, ne possédait pas un tel document, a confirmé ce spécialiste.
Dès le 18 janvier, Bart Wallet, historien de l’université d’Amsterdam, qualifiait la démonstration de « château de cartes » dans le magazine allemand Der Spiegel. La semaine suivante, l’hebdomadaire interrogeait d’autres experts à propos du conseil juif, confronté à l’époque à un terrible dilemme, puisqu’il essayait de sauver des vies par le biais de la coopération, tout en étant contraint de participer aux déportations.
Ces spécialistes estimaient, eux aussi, qu’il était improbable que de telles listes de cachettes juives aient existé. David Barnouw, longtemps chercheur au NIOD, auteur en 1986 de la première édition scientifique du journal d’Anne Frank, affirmait ainsi au magazine que « personne n’a jamais vu de telles listes ».
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