Jambons, saucissons et autres mortadelles sont au menu des députés ce jeudi 3 février. Et plus particulièrement la question sensible de l’utilisation des nitrites dans la charcuterie. Sensible, car ces additifs sont controversés sur le plan de la santé. L’OMS a ainsi classé en 2015 la viande transformée dont la charcuterie comme cancérogène tandis que les nitrites ingérés l’étaient déjà comme cancérogènes probables, font valoir les partisans d’une interdiction. Ces additifs utilisés pour la conservation sont autorisés par la réglementation européenne, voire encouragés pour lutter contre le botulisme, se défend le secteur de la charcuterie.
Si les députés doivent trancher sur ce dossier brûlant, la proposition de loi sur laquelle ils débattent paraît bien aseptisée après son passage en commission des affaires économiques. Exit l’interdiction des nitrites à compter de 2023 pour les produits crus et à compter de 2025 pour les produits cuits, comme le prônait la première mouture du texte présenté notamment par les députés Richard Ramos, Barbara Bessot Ballot ou encore Michèle Crouzet. Une recommandation dans la lignée du rapport parlementaire paru il y a un an à la suite des plusieurs mois de travail de la mission d’information portée par ces trois députés.
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La version amendée propose désormais d’établir « une trajectoire de baisse de la dose maximale d’additifs nitrés au regard des risques avérés pour la santé humaine » dans un délai d’un an –la possibilité de bâtir un calendrier pour l’interdiction de certains produits n’étant pas pour autant exclue- et remettant au final la décision après la parution d’un avis de l’Anses. Saisie du sujet il y a plus d’un an, l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments devrait après plusieurs reports se positionner mi-2022. Un étiquetage spécifique pour les produits contenant des additifs nitrés doit également être élaboré.
Une pétition avec plus de 360.000 signatures
Malgré les modifications apportées en commission, Richard Ramos évoquait dans un communiqué à l’issue de celle-ci, quelques jours avant le vote en séance, « une journée historique », se félicitant de la reconnaissance « qu’un plan de sortie des nitrites dans la charcuterie doit être mis en place pour permettre aux consommateurs d’accéder à des produits de charcuterie plus sains pour leur santé ». « On avance vers une interdiction mais le gouvernement y a mis son grain de sel et freine le calendrier législatif », commentaient avec plus de réserve foodwatch, Yuka et la Ligue contre le cancer, tous trois engagés pour cette interdiction. Une pétition qu’ils ont lancée en 2019 a ainsi recueilli plus de 360.000 signatures. Et Yuka fait les frais de cet engagement: l’appli de notation a été condamnée trois fois en 2021 devant des tribunaux de commerce -et a fait appel à chaque fois- pour « pratique commerciale déloyale et trompeuse » et « actes de dénigrement » dans le bras-de-fer qui l’oppose aux industriels de la charcuterie sur ce sujet.
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Le sans nitrite pèse déjà 7% du marché
Les industriels de la charcuterie sont quant à eux soulagés par la réécriture de la proposition de loi en commission. Proposition que la fédération française des industriels charcutiers (Fict) qualifiait de « menace pour la filière charcuterie française et la sécurité sanitaire des consommateurs ». Cette dernière salue le rappel à l’avis l’Anses attendu qui « permet ainsi de remettre la science au cœur du débat ». Et de faire valoir les efforts des entreprises qui ont déjà réduit les quantités maximales de nitrites utilisés de 40% par rapport à ce qui est autorisé au niveau européen. Le sans nitrites est pourtant bel et bien déjà dans nos rayons et dans nos assiettes, proposés par des poids-lourds comme Fleury Michon ou Herta. A tel point que ce créneau représente déjà 7% du marché. Des innovations au prix de lourds investissements qui ne sont pas à la portée de toutes les entreprises, plaide la Fict.
« De très nombreux industriels du secteur de la charcuterie font des produits sans nitrites, la mesure adoptée est une véritable opportunité pour l’ensemble de la filière, elle va lui permettre d’accélérer sa transformation vers des produits plus vertueux », assure quant à lui Richard Ramos qui voit aussi là le moyen de permettre une accessibilité à tous de ces produits. Pour cela, la première mouture prévoyait d’ailleurs un accompagnement financier de la filière pour cette transition. Après la version largement amendée votée en commission la semaine passée, le débat des députés en séance ce jeudi s’annonce comme une étape supplémentaire. En attendant l’avis de l’Anses prévu en milieu d’année et les jugements en appel dans les affaires opposant Yuka à la Fict et à deux de ses membres…
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