Ce serait la preuve que la presse est à la botte du pouvoir, car achetée par ceux qui les gouvernent. Un court extrait vidéo décontextualisé d’un discours du premier ministre canadien, Justin Trudeau, fait fureur dans les sphères complotistes en ce début février 2022.
On y voit le dirigeant canadien, tout sourire, se féliciter d’être épargné par les médias, notamment ceux de gauche :
« Ces derniers temps, on entend parfois parler de biais progressistes dans les médias, de la manière qu’ils ont de laisser tranquille notre gouvernement, de nous épargner sans raison. Franchement, je pense que c’est insultant. C’est clair qu’ils nous épargnent pour une très bonne raison, parce qu’on les paye 600 millions de dollars ».
Le court passage d’une vingtaine de secondes se termine sur un plan fixe montrant Justin Trudeau ravi. « Les médias grand public ? Je les ai achetés », peut-on y lire en anglais. La vidéo a été vue plus de 200 000 fois.
Sur Twitter, la citation a été retraduite de manière approximative, et accompagnée de commentaires scandalisés : « Déclaration hallucinante de Justin Trudeau : “Comment les journalistes ont pu nous faire un coup dans le dos sachant qu’on les a payés $ 600 millions !” »
CAPTURE D’ÉCRAN
Partagé plusieurs milliers de fois, le tweet a notamment été repris par le très suivi Idriss Aberkane. Cet essayiste et conférencier, déjà connu depuis plusieurs années pour avoir gonflé son CV, et devenu, à la faveur de nombreuses contre-vérités, l’une des nouvelles coqueluches de la sphère antirestrictions, pro-Raoult, hostile aux vaccins anti-Covid-19 et poreuse aux théories du complot.
Pourquoi cette vidéo est trompeuse
Justin Trudeau a bien tenu ces propos, mais, précise la CBC, chaîne publique canadienne, c’était dans le cadre d’une plaisanterie au cours du dîner annuel de la presse parlementaire, en mai 2019. Or, la vidéo est coupée juste avant la chute de la blague.
En l’occurrence, le discours de Justin Trudeau se poursuit avec des titres de journaux, qui apparaissent à l’écran. Or ceux-ci ne lui sont pas favorables, au contraire : « Justin Trudeau falsifie la marque canadienne » pour le Toronto Star ; « Justin Trudeau et le degré zéro de la réflexion », pour le politologue et chroniqueur du Journal de Montréal Loïc Tassé ; « Trudeau a perdu l’autorité morale [nécessaire] pour gouverner », selon le Globe and Mail. Le premier ministre canadien ironise alors : « On n’obtient pas des titres aussi admirables sans graisser la patte. »
La chute de la plaisanterie peut être retrouvée dans la captation originale, à partir de la trente-neuvième minute de cette vidéo :
En somme, Justin Trudeau ironisait sur le cliché selon lequel les subventions publiques à la presse permettraient de contrôler celle-ci. Et dans un exercice d’autodérision, il relevait les critiques dont il avait fait l’objet de la part des médias. Soit le contraire de ce qu’essaie de faire croire la version tronquée qui circule sur Twitter.
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