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Procès Wendel: prison ferme requise contre l’ex-patron des patrons Ernest-Antoine Seillière

Pour l’accusation, il a participé à un « montage artificiel » à « but exclusivement fiscal »: quatre ans d’emprisonnement dont deux ferme ont été requis mardi à Paris contre l’ex-patron des patrons Ernest-Antoine Seillière, soupçonné avec treize autres personnes d’une colossale fraude fiscale en 2007.

A l’issue d’un réquisitoire de cinq heures, les deux représentants du parquet national financier (PNF) ont demandé aux juges de sanctionner tous les prévenus pour l’ »une des plus importantes fraudes fiscales poursuivies devant un tribunal correctionnel ».

A la nuit tombée, les procureurs ont égrené leurs réquisitions, demandant la peine la plus lourde pour l’ancien président du directoire de Wendel, Jean-Bernard Lafonta: cinq ans d’emprisonnement dont trois ferme.

Contre onze anciens cadres supérieurs de la sociétés d’investissement et contre un ex-avocat fiscaliste poursuivi pour complicité, le PNF a requis des peines d’un an avec sursis à deux ans de prison ferme.

Une amende de 37.500 euros, le maximum encouru à l’époque des faits, a en outre été réclamée contre chacun des prévenus, ainsi que des interdictions professionnelles allant jusqu’à trois ans.

Dirigeants, directeur financier, chargé d’investissements ou directrice de la communication… depuis le 17 janvier, quatorze personnes doivent s’expliquer devant le tribunal sur un programme d’intéressement baptisé Solfur, qui leur avait permis de récupérer, en mai 2007, plus de 300 millions d’euros en titres sans être imposés.

Pour se répartir ce « gain faramineux », lié notamment à la montée en flèche de l’action Wendel, les prévenus ont décidé, pour le ministère public, d’adhérer « sciemment » à un « schéma frauduleux », un « montage financier artificiel » dont le « but » était « exclusivement fiscal ».

– « Monstre » –

Non, les prévenus ne sont pas les « madame et messieurs Jourdain en matière fiscale », a ironisé d’emblée le procureur financier François-Xavier Dulin, après avoir cité le personnage de Molière qui faisait de la prose sans le savoir.

« Enarques, normaliens », ils ont des « formations juridiques de très haut niveau », « c’est un aréopage de gens très compétents et avec en permanence l’idée d’une maximisation des profits », a déclaré le magistrat.

Afin de ne pas être imposé à environ 30% sur ces sommes, qui représentaient pour certain jusqu’à 62 fois leur salaire annuel, ils ont « pris le risque de commettre cette fraude fiscale », selon le ministère public.

Pour le PNF, le montage visait à profiter abusivement d’un régime légal qui permettait de différer la taxation. Ce régime, dit de « sursis d’imposition », a été conçu par le législateur pour encourager le réinvestissement dans l’économie, a souligné le second procureur financier Antoine Jocteur-Monrozier.

Or, la quasi-totalité des cadres a crée des sociétés en même temps, au printemps 2007: des structures qui n’avaient pas de « sens économique » et où l’on a « tenté ensuite de mettre de la substance », a-t-il soutenu.

« Etape par étape », le schéma a aussi été « artificiellement complexifié » afin « d’éviter d’attirer l’attention de l’administration fiscale », a-t-il poursuivi, « il s’agit finalement d’un monstre fiscalo-financier incompréhensible par chacun ».

– « Dénégations » –

Les prévenus ont commis un « abus de droit », soit un détournement d’un dispositif légal, ont conclu les procureurs, qui ont notamment motivé les peines requises par la « gravité » des faits et les « dénégations unanimes » des prévenus.

Le baron Ernest-Antoine Seillière, 84 ans, était assis au premier rang de la salle d’audience.

Ernest-Antoine Seillière lors d’une assemblée générale des actionnaires de Wendel, le 9 juin 2008 à Paris (AFP/Archives – ERIC PIERMONT)

Ancien président du Medef, alors président du conseil de surveillance de Wendel, il s’est défendu quelques jours plus tôt d’avoir voulu tromper le fisc – sur un montant de 79 millions le concernant – se disant persuadé, en 2007, de la légalité des opérations.

Jean-Bernard Lafonta, 60 ans, principal bénéficiaire avec 116 millions d’euros et soupçonné d’avoir « supervisé » le montage, a lui aussi protesté de son innocence.

« Les réquisitions sont aussi lourdes que ce dossier est vide », a réagi mardi soir son avocat Me Antonin Lévy, qui doit plaider la relaxe de son client, comme tous les avocats de la défense.

Avec l’arrivée de la crise financière en 2008, Solfur s’est finalement avéré ruineux, ont dit à la barre la plupart des cadres.

Fin décembre 2010, tous s’étaient vu notifier un redressement fiscal total de 240 millions, avec les pénalités. Après des années de contentieux, la quasi-totalité d’entre eux a réglé une somme négociée – et inférieure – au Trésor public.

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