Publié le : 01/02/2022 – 09:14
Un an après l’assassinat de l’activiste et intellectuel libanais Lokman Slim, sa famille demande justice. L’enquête « n’est pas close, mais personne n’a été arrêté par exemple », déplore la veuve du militant.
Le 4 février 2021, Lokman Slim, un militant et intellectuel critique du Hezbollah, était retrouvé mort dans le sud du Liban. Un an après, sa famille réclame toujours justice dans un pays où règne souvent l’impunité.
« Nous avons vraiment besoin que justice soit faite pour Lokman », a dit à l’AFP sa femme, Monika Borgmann, depuis la demeure familiale située dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, mouvement armé chiite pro-iranien à l’important rôle dans la vie politique libanaise.
Laisser le meurtre de son époux impuni, c’est comme si on donnait un « feu vert aux meurtriers, quels qu’ils soient, pour qu’ils continuent » à commettre ce genre de crimes, a-t-elle ajouté, à quelques jours d’une cérémonie commémorant cet assassinat.
Un partisan acharné de la laïcité
Lokman Slim, 58 ans, avait été retrouvé dans sa voiture, tué par balles, après avoir disparu la veille. La mort de cet activiste et chercheur, dont le travail multiforme portait notamment sur la mémoire de la guerre civile libanaise (1975-1990), avait choqué le Liban.
L’assassinat avait été condamné par plusieurs pays occidentaux et les ambassadeurs de plusieurs chancelleries avaient assisté aux funérailles.
Partisan acharné de la laïcité, issu de la haute bourgeoisie chiite, il était l’une des rares voix dissidentes au sein de sa communauté. Peu avant son assassinat, il avait répété lors d’entretiens à la télévision que le Hezbollah prenait le Liban en otage pour le compte de l’Iran.
L’enquête piétine
Un an après le meurtre, l’enquête piétine toujours et reste dans la phase de « collecte d’informations », a indiqué à l’AFP une source judiciaire. « La justice a demandé aux autorités compétentes de mener une enquête préliminaire et de collecte de preuves » sur ce crime, a-t-elle précisé. Mais pour l’instant, rien n’a mené à « des pistes importantes ».
L’enquête « n’est pas close, mais personne n’a été arrêté par exemple », déplore la veuve, de nationalité libanaise et allemande, exprimant ses « doutes ».
Monika Borgmann appelle à la mise en place d’une commission d’enquête internationale indépendante, forte du soutien exprimé par trois rapporteurs spéciaux des Nations unies. « Le gouvernement devrait demander une assistance technique internationale pour enquêter sur le meurtre de Lokman Slim », ont-ils déclaré en mars 2021.
À la suite de cet assassinat, le Hezbollah avait été pointé du doigt par des journalistes et des hommes politiques. À plusieurs reprises, le mouvement avait menacé Lokman Slim selon sa famille.
En décembre 2019, des militants du Hezbollah s’étaient rassemblés devant sa maison pour l’accuser de trahison. Lokman Slim avait alors averti que le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et son allié le chef du mouvement Amal, Nabih Berri – également président du Parlement –, seraient responsables de tout ce qui « pourrait lui arriver ».
À quoi bon « pointer du doigt qui que ce soit », soupire Monika Borgmann. « Ce n’est vraiment pas satisfaisant », insiste-t-elle. « Nous avons besoin de preuves et nous demandons des comptes. Après cela, j’espère que (..) ceux qui ont exécuté Lokman et ceux qui ont ordonné cela iront en prison. »
« Croire en la démocratie »
L’assassinat de Lokman Slim n’est pas le premier dans l’histoire tumultueuse du Liban, pays aux profondes divisions politiques et communautaires, et où de nombreux politiciens, intellectuels, religieux et journalistes ont été tués.
L’institut de recherche et de statistiques Information International a ainsi dénombré 220 assassinats et tentatives d’assassinat depuis l’indépendance du Liban en 1943 jusqu’au meurtre de Lokman Slim.
Le manque de preuves ou des ingérences politiques empêchent souvent la justice de poursuivre les auteurs de ces crimes.
Peu après sa mort, la famille de Lokman Slim avait établi une fondation à son nom pour étudier et analyser les assassinats politiques au Liban et dans la région. Ceux-ci « jouent un rôle majeur dans le contrôle de la vie politique dans les sociétés arabes », a déclaré à l’AFP la directrice de la fondation, Hana Jaber, qui espère aussi contribuer à « briser l’isolement de ceux qui sont menacés » : « Nous devons croire en la justice pour que cela se produise. »
Avec AFP
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