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Hervé Le Bras : « La répartition du vote populiste renvoie à des découpages géographiques anciens »

Hervé Le Bras. YANN LEGENDRE

Hervé Le Bras est démographe et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Dans son ouvrage Le Grand Enfumage. Populisme et immigration dans sept pays européens (Ed. de l’Aube-Fondation Jean Jaurès, parution le 3 février, 168 pages, 17,90 euros), il décrypte les ressorts politiques du vote populiste et démontre que celui-ci n’est pas corrélé à la présence d’immigrés sur le territoire.

En France et dans six autres pays d’Europe, la géographie du vote populiste ne recoupe pas celle de l’immigration. Comment cela se fait-il ?

L’immigration est beaucoup plus présente dans la tête des gens que dans leur existence quotidienne. Ainsi, en 2017, en France, il y avait, selon l’Insee, 3,8 % d’immigrés dans les communes de moins de 2 500 habitants, alors que le vote pour [la candidate du Rassemblement national, RN] Marine Le Pen y avait atteint 27 % au premier tour de l’élection présidentielle. Dans les villes de plus de 20 000 habitants, on comptait 15 % d’immigrés et 14 % de votes pour la candidate frontiste. A Paris, il y avait 23 % d’immigrés et seulement 5 % de vote pour Le Pen. La Seine-Saint-Denis, département avec la plus forte proportion d’immigrés (30,6 %), avait voté Le Pen à 13,6 %. L’Aisne, département où le vote frontiste était le plus fort (35,7 %), ne comptait que 4,4 % d’immigrés.

La situation est à peu près la même dans les six autres pays d’Europe. En Suisse, par exemple, l’Union démocratique du centre (UDC, populisme d’extrême droite) recueille 12 % des suffrages dans les grandes villes, 24 % dans les villes moyennes et 34 % dans les zones rurales, alors que les grandes villes abritent 35 % d’étrangers, les moyennes, 22 %, et les zones rurales, 12 %.

Le vote populiste répond-il davantage à une géographie socio-économique ?

Les régions où le chômage est le plus élevé votent parfois davantage pour l’extrême droite, parfois non. En Allemagne, le chômage est plus répandu à l’Est, où le vote pour Alternative pour l’Allemagne (AfD) est le plus fort. A contrario, en Italie, il se concentre au sud du pays alors que la Ligue triomphe au Nord.

En France, à l’échelon large des régions, il y a une correspondance entre taux de chômage et vote RN. Mais, plus localement, la relation s’inverse. Alors que les villes votent nettement moins pour le RN, le chômage y est en moyenne un peu plus élevé.

La géographie de la migration, elle, obéit bien à une logique économique…

Les immigrés visent les zones urbaines dynamiques dans lesquelles ils peuvent trouver un emploi. A la longue, ils attirent des proches, qui s’installent aux mêmes endroits. Lorsque les centres de l’économie changent, ils ne se relocalisent guère et ce sont des immigrés d’autres origines qui arrivent ou sont appelés.

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