LETTRE DE BERLIN
Faut-il un poète au Bundestag ? L’idée peut sembler saugrenue. En Allemagne, elle fait pourtant l’objet d’un débat très sérieux depuis que trois écrivains ont signé une tribune, le 3 janvier, dans le Süddeutsche Zeitung, appelant à la création d’un nouveau poste : celui de « poète du Parlement » (Parlamentspoet).
Pour Simone Buchholz, plusieurs fois primée pour ses romans policiers, Mithu Sanyal, connue pour ses écrits féministes, et Dmitrij Kapitelman, jeune auteur d’origine ukrainienne qui commence à se faire un nom sur la scène littéraire allemande, un tel poète pourrait avoir plusieurs tâches : « Discuter avec les députés pour couler les discours politiques et débats parlementaires dans de la prose et de la poésie », « diffuser cette littérature à travers des inscriptions lumineuses sur la façade du Bundestag, des tracts, des livres et des cartes postales », en somme, traduire la langue politique « dans les mots et les formes que nous utilisons pour danser et chanter », car la politique, affirment-ils, ne se résume pas à des « pamphlets » et à des « déclarations de politique générale » : c’est « quelque chose d’irrationnel, d’émotionnel, de personnel, comme l’est la poésie ».
Dans leur tribune, les auteurs disent vouloir s’inspirer du Canada où existe, depuis 2001, un « poète officiel du Parlement ». Nommé pour deux ans et rémunéré 20 000 dollars canadiens par an (14 000 euros), le titulaire du poste est également chargé de rédiger des œuvres poétiques à l’occasion de certaines manifestations publiques. Les auteurs le reconnaissent : c’est leur rencontre avec l’actuelle « poétesse officielle » du Canada, Louise Bernice Halfe, alias Sky Dancer, à la Foire du Livre de Francfort qui leur a donné l’idée d’importer l’idée en Allemagne.
Parmi les députés, les trois écrivains ont trouvé une avocate fervente en l’écologiste Katrin Göring-Eckardt. Vice-présidente du Bundestag, celle-ci les a reçus, le 10 janvier, pour leur faire part de son « enthousiasme » à l’idée que « la poésie ouvre un espace discursif entre le Parlement et la langue de la vie », comme elle l’a écrit sur Twitter. Car, « si la poésie ne peut remplacer la politique, elle peut la traduire, en donnant à voir ce qui est trop souvent négligé », a-t-elle ajouté dans un autre tweet.
« Plaidoyer pour une littérature d’Etat »
A l’inverse, un autre vice-président du Bundestag, le libéral Wolfgang Kubicki, a dit tout le mal qu’il pensait d’une telle initiative. « L’idée trahit une incompréhension totale de ce qu’est l’activité artistique », a-t-il déclaré dans un entretien au Tagesspiegel, estimant que « les artistes devraient être des épines dans la chair des dirigeants, et non leurs employés ».
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