La junte qui a pris le pouvoir il y a une semaine au Burkina Faso est « très ouverte » aux discussions, ont assuré les émissaires internationaux qui ont rencontré le nouvel homme fort du pays, lundi 31 janvier à Ouagadougou, mais aussi le président renversé, Roch Marc Christian Kaboré, qui « va très bien ».
« Les discussions ont été très franches. Ils ont semblé très ouverts aux suggestions et aux propositions qu’on leur a faites. Pour nous, c’est bon signe », a déclaré à la presse la ministre ghanéenne des affaires étrangères, Shirley Ayorkor Botchwey. Elle était à la tête d’une délégation conjointe de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et de l’ONU qui a rencontré à la mi-journée Paul-Henri Sandaogo Damiba, le nouvel homme fort du Burkina, et plusieurs membres de la junte au pouvoir depuis le coup de force. « Je crois qu’on s’est bien compris, nous avons eu de très bons échanges avec le chef de l’Etat. Ce que j’ai noté, c’est leur disponibilité à travailler avec la Cédéao », a déclaré Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de l’organisation ouest-africaine.
La délégation a également pu rencontrer le président déchu, contraint à la démission le 24 janvier après son arrestation par les putschistes. Il a été placé en résidence surveillée dans une villa de Ouagadougou. « Il va très bien », a assuré Annadif Mahamat Saleh, représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (Unowas), soulignant que la délégation avait « exigé sa libération ». « Nous avons eu une courte entrevue avec lui et il est dans un bon état d’esprit. Il a l’air d’aller bien, il a accès à ses médecins et il peut recevoir des visites de sa famille », a complété Mme Botchwey.
Les Etats-Unis appellent à la libération de Kaboré
Auparavant, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR, junte) avait annoncé assurer « la continuité de l’Etat en attendant la mise en place des organes de transition », selon un « acte fondamental » lu à la télévision nationale par un de ses membres, le lieutenant-colonel Cyprien Kaboré. Le texte précise que « l’acte fondamental lève la suspension de la Constitution », que le MPSR devient « l’organe central » des institutions et son président « chef de l’Etat, chef suprême des forces armées nationales ». L’acte fondamental garantit l’indépendance de la justice et la présomption d’innocence, ainsi que les libertés fondamentales contenues dans la Constitution, en particulier celles de circulation, d’expression et de la presse.
Un décret a par ailleurs mis fin aux fonctions du chef d’état-major des armées, Gilbert Ouedraogo, dans un pays en proie depuis 2015 à des attaques de groupes djihadistes de plus en plus fréquentes, que le pouvoir de M. Kaboré n’a pas réussi à contenir.
Après sa suspension vendredi des instances de la Cédéao, le Burkina Faso l’a été lundi de celles de l’Union africaine (UA) « jusqu’au rétablissement effectif de l’ordre constitutionnel dans le pays », comme le Mali et la Guinée, où des militaires ont également pris le pouvoir. Les Etats-Unis ont dit lundi soutenir ces décisions de la Cédéao et de l’UA et ont à leur tour appelé à la libération de Roch Marc Christian Kaboré. « Nous partageons les inquiétudes des dirigeants africains concernant les actions de responsables militaires au Burkina Faso, principalement la suspension de la Constitution et le renversement d’un président et d’une Assemblée nationale démocratiquement élus », a indiqué Ned Price, porte-parole du département d’Etat américain, dans un communiqué.
Un allié majeur de Paris dans la lutte anti-djihadiste
La Cédéao avait déjà envoyé samedi une délégation de plusieurs chefs des armées de la région pour rencontrer le chef de la junte, le lieutenant-colonel Damiba. Les dirigeants de la Cédéao doivent se réunir jeudi à Accra, au Ghana, pour étudier les résultats de ces deux missions et décider d’éventuelles sanctions supplémentaires contre le Burkina. Le lieutenant-colonel Damiba ne s’est exprimé publiquement qu’une fois, dans une allocution jeudi soir à la télévision nationale, affirmant que son pays avait « plus que jamais besoin de ses partenaires » internationaux.
L’armée burkinabée a annoncé lundi avoir tué 163 djihadistes au cours de manœuvres, du 15 au 23 janvier, avec la force française « Barkhane ». Un soldat burkinabé a été tué dans cette opération baptisée « Laabingol » (« nettoyer », en langue peule). Dimanche soir, l’état-major français avait annoncé un bilan de 60 djihadistes tués dans cette opération. Le Burkina Faso, qui abrite des forces spéciales françaises, est un allié majeur de Paris dans la lutte anti-djihadiste. Dans le sillage du Mali et du Niger, le pays est pris depuis près de sept ans dans une spirale de violences attribuées à des mouvements djihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique (EI), qui ont fait plus de 2 000 morts et contraint au moins 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.
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