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ReportageUne partie des opposants à la dictature militaire se sont repliés auprès des guérillas ethniques, avant de devoir se réfugier dans le royaume voisin.
Ils brûlaient d’en découdre avec l’armée birmane, et voilà que la guerre est arrivée à eux sans prévenir : « Le 15 décembre [2021], ça a tiré, des obus ont été lancés, on a dû évacuer et partir trois jours dans la montagne », explique « camarade N ». Sous ce nom de guerre, un jeune de Rangoun, 24 ans, rappeur et ex-protestataire du mouvement de désobéissance civile, la révolte protéiforme qui a suivi le coup d’Etat du 1er février 2021. Après l’écrasement des manifestations dans le sang, « N » a rejoint en mai 2021 une brigade des Forces de défense populaire, ce mouvement de résistance armé auquel a alors appelé le gouvernement d’unité nationale, mis en place par d’anciens élus et responsables politiques prodémocratie en exil. La brigade de « N » se cachait à Lay Kay Kaw, dans l’est de la Birmanie, à 15 kilomètres au sud de Myawaddy, ville frontalière avec la Thaïlande.
« Camarade N », originaire de Rangoun, le 26 janvier 2022. Il a rejoint une brigade de la résistance à Lay Kay Kaw, en Birmanie. Il attend la fin des combats dans une « planque », du côté thaïlandais de la frontière. JITTRAPON KAICOME POUR « LE MONDE »
Officiellement sous contrôle de la brigade 6, l’une des branches de l’Union nationale karen, la guérilla de l’ethnie Karen, Lay Kay Kaw était un « village de la paix », érigé sur les ruines d’un camp rebelle détruit par l’armée birmane dans les années 1990. Sa construction, avec l’aide de l’ONG japonaise Nippon Foundation, se voulait le symbole du processus de paix relancé sous le président Thein Sein (2011-2016) entre le gouvernement de transition et les guérillas ethniques : en 2015, un accord national de cessez-le-feu avait été signé par les Karen, au côté d’une dizaine d’autres guérillas. La ville nouvelle, un assemblage de maisons aux toits bleus, s’était mise l’année suivante à accueillir des habitants, dont des réfugiés karen des camps situés de l’autre côté de la frontière thaïlandaise, mais aussi des migrants attirés par les zones économiques en chantier entre Myawaddy et la ville thaïlandaise de Mae Sot. Elle avait l’avantage de compter pas mal d’habitations vides.
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Lay Kay Kaw était dans le viseur de l’armée birmane : celle-ci y avait mené ces derniers mois plusieurs perquisitions, qui n’avaient alors rien donné. Or, fin novembre 2021, la junte, par la voix d’un média local, Myawaddy TV, a accusé la guérilla karen d’organiser l’entraînement militaire de « forces terroristes » et de les héberger dans plusieurs de ses brigades, dont la 6. Le 14 décembre au matin, quatre convois de soldats ont investi Lay Kay Kaw et arrêté une trentaine de militants, dont un ex-député en fuite de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) – le parti d’Aung San Suu Kyi, l’ex-dirigeante de facto du gouvernement renversé – et des militants du mouvement de désobéissance civile. « On s’attendait à un raid. Mais les ordres étaient contradictoires, on ne savait qui croire. Quand les soldats sont arrivés, on nous a dit de rester tranquilles », poursuit « N ». Lay Kay Kaw jouxte des zones où les allégeances sont complexes, voire mixtes, et la présence de militants antijunte en aurait contrarié certains. Dans la résistance, on estime aussi que des personnes arrêtées précédemment ont parlé sous la torture.
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