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« Réinventer le Liban, avec autant de lucidité que d’espoir »

Tribune. Le Liban, tel qu’on l’a connu, n’existe plus. Il nous faut autant de lucidité pour prendre acte de son effondrement qu’il nous en faut pour le concevoir autrement. Cela implique, certes, une part de renoncement, mais surtout une dose bien supérieure d’espoir et d’engagement.

Avec un enfant sur trois qui se couche le ventre vide, le Liban est un pays qui souffre, au cœur d’une région bouleversée. L’écroulement de la monnaie libanaise symbolise l’une des faillites économiques les plus violentes du monde moderne. Pis, c’est sur le temps long que se perd l’avenir du pays : l’émigration, devenue exode, menace aujourd’hui l’existence même du Liban et sa capacité à se relever.

Mais le fond du problème est politique : au-delà de la corruption, c’est l’incapacité de ce système à trouver le chemin de la décision collective qui paralyse nos institutions. La classe dirigeante a troqué une démocratie dite « consensuelle » contre un système sclérosé de marchandages tribaux. Tel est le message fondamental qui a émergé du soulèvement d’octobre 2019, cette parenthèse euphorique où toute une génération s’est levée pour exorciser les démons du passé. Faisant fi des barrières sociales, confessionnelles et géographiques, elle a, pendant des mois, et comme jamais auparavant, prouvé qu’une nation libanaise pouvait prendre corps. Certes, la parenthèse s’est trop vite refermée : en faisant le pari cynique de l’immobilisme et du pourrissement, les forces de la contre-révolution semblent avoir gagné une bataille.

Concorde civique plutôt que discorde civile

Il nous faut aussi reconnaître une part de responsabilité dans cet échec provisoire. Se contenter de dire : « Kellon yaané kellon » (« Tous, c’est-à-dire tous ») en pointant fort justement l’alliance objective des chefs de clan, c’est se contenter d’une vérité qui endort. Il y en a une autre, plus cruelle, mais aussi plus tonique, qui nous engage tous. Elle implique que pour se débarrasser d’« eux », nous fassions ce que nous avons à faire : clarifier l’objectif, s’unir, transformer le potentiel en levier. Accepter d’être moins prétentieux sur ce que nous sommes, et plus ambitieux sur ce que nous pouvons être. Qui sommes-nous, nous, les Libanais ? Que voulons-nous ?

C’était déjà la question que je m’étais posée il y a six ans, lorsque, issu de la diaspora, j’avais décidé de quitter mon poste de consultant dans le Golfe pour venir au Liban et prendre la direction de L’Orient-Le Jour. Ma mission consistait à consolider son rôle de contre-pouvoir dans une période critique pour la presse libanaise. Si ce combat demeure essentiel, il est désormais temps pour moi de m’engager autrement : en aidant mes compatriotes à reprendre le pouvoir à ceux qui l’ont confisqué. Cela n’a jamais paru si fondamental et dérisoire à la fois. Pourquoi vouloir essayer quand tout semble perdu ? La réponse qui me vient est simple : comment peut-on se résigner avant d’avoir tout essayé ? Ce paradoxe, qui se pose à des degrés divers dans toutes les vies, chaque personne qui s’engage au Liban y est confrontée.

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