Publié le : 31/01/2022 – 14:53Modifié le : 31/01/2022 – 18:47
La junte malienne a décidé d’expulser l’ambassadeur de France à Bamako. Le représentant français a été sommé lundi de quitter le pays sous 72 heures. Les autorités ont justifié cette décision par les récentes déclarations « hostiles » de responsables français à leur encontre. En réaction, la France a pris note et décidé de rappeler son ambassadeur au Mali.
Nouvelle escalade de la brouille entre Bamako et Paris. Les autorités maliennes, dominées par les militaires, ont décidé d’expulser l’ambassadeur de France en poste depuis 2018, a annoncé lundi 31 janvier la télévision d’État.
« Le gouvernement de la République du Mali informe l’opinion nationale et internationale que ce jour (…) l’ambassadeur de France à Bamako, son excellence Joël Meyer, a été convoqué par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale (et) qu’il lui a été notifié la décision du gouvernement qui l’invite à quitter le territoire national dans un délai de 72 heures », a annoncé un communiqué lu par la télévision d’État.
Les autorités maliennes ont justifié cette décision par les « propos hostiles et outragés du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères tenus récemment » et « la récurrence de tels propos par les autorités françaises à l’égard des autorités maliennes en dépit des protestations maintes fois élevées ».
La France « prend note » de l’expulsion de son ambassadeur au Mali, a répondu quelques heures plus tard le ministère français des Affaires étrangères, rappelant sa solidarité à l’égard de ses partenaires européens et son engagement à poursuivre la lutte antiterroriste.
« La France prend note de la décision des autorités de transition (maliennes) de mettre fin à la mission de l’ambassadeur de France au Mali. En réaction, la France a décidé de rappeler son ambassadeur », a indiqué le Quai d’Orsay.
Paris exprime aussi « sa solidarité vis-à-vis de ses partenaires européens, en particulier du Danemark », dont le contingent vient d’être expulsé par la junte au pouvoir à Bamako.
Les critiques de Paris contre les autorités de transition
Le ministère malien des Affaires étrangères avait annoncé au même moment sur Twitter avoir convoqué l’ambassadeur de France pour qu’il s’explique sur des critiques de Paris contre les autorités de transition.
La ministre française des Armées Florence Parly avait déclaré le 25 janvier que la junte multipliait « les provocations ». Son collègue français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a, deux jours après, qualifié la junte d’ »illégitime » et ses décisions d’ »irresponsables », après que les autorités maliennes eurent poussé le Danemark à retirer son contingent de forces spéciales.
Le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, quant à lui, avait prévenu vendredi que son pays n’excluait « rien » dans ses relations avec la France.
Cette convocation marque un nouveau durcissement des tensions entre le Mali et la France, l’ancienne puissance coloniale engagée militairement au Mali et au Sahel depuis 2013. Les relations n’ont cessé de se détériorer depuis que des colonels ont pris par la force en août 2020 la tête de ce pays plongé depuis 2012 dans une profonde crise sécuritaire et politique.
« Un sursaut nationaliste »
« On voit que la junte malienne a voulu tirer la première après les déclarations de Jean-Yves Le Drian », affirme Antoine Glaser, lundi sur le plateau de France 24.
Évoquant « une sorte de sursaut nationaliste dans tous les pays du Sahel », le journaliste, écrivain et spécialiste de l’Afrique, auteur du « Piège africain de Macron » (Fayard), précise que ce sentiment est plus fort encore au Mali, le pays bénéficiant de la coopération de la Russie. « On est quasiment dans une nouvelle période historique, ce n’est pas seulement une joute verbale », estime-t-il.
Dans un entretien au Journal du Dimanche, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, avait tiré à boulets rouges sur la force Wagner, affirmant que le groupe militaire privé russe « spolie le Mali ».
« Wagner utilise la faiblesse de certains États pour s’implanter elle-même, pas pour remplacer les Européens (dans le Sahel, NDLR), et au-delà pour renforcer l’influence de la Russie en Afrique », a poursuivi le ministre français des Affaires étrangères. Selon lui, l’objectif de l’entreprise russe est « clairement d’assurer la pérennité (du) pouvoir » de la junte.
Pour Antoine Glaser, « Wagner sert de leurre ». S’il considère la présence de Wagner comme la manifestation de « l’opportunisme russe », le spécialiste de l’Afrique ne voit cependant pas là une volonté de « remplacer la France » et attire davantage l’attention sur « un sursaut national » dans la population malienne « qu’il ne faut pas sous-estimer ».
Avec AFP
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