Amorce d’une bascule stratégique qui verrait une nouvelle « Russafrique » appuyer la « Chinafrique » dans une conjuration anti-occidentale ? Ou fantasme médiatique dramatisant des percées ponctuelles et opportunistes, souvent fragiles ? L’arrivée d’instructeurs russes et de paramilitaires de la société de sécurité privée Wagner, proche de Kremlin, au Mali, fin 2021, avive les interrogations de l’Europe et des Etats-Unis sur les desseins de Moscou en Afrique. A travers la multiplication d’accords de défense et les activités du Groupe Wagner, la Russie a réussi à s’immiscer dans plusieurs pays d’Afrique : Mali, Libye, Soudan, République centrafricaine (RCA), Mozambique… Une avancée parfois erratique, contestée ou en trompe-l’œil, qui s’étend sur environ cinq ans et dont Le Monde a pu reconstituer le fil.
L’homme d’affaires russe Evgueni Prigojine, un proche de Vladimir Poutine, en juillet 2017. SERGEI ILNITSKY / AP Lire aussi Evgueni Prigojine, l’homme des basses œuvres de Moscou en Afrique
Le tumulte provoqué par le déploiement, réel ou supposé, de ces « mercenaires » n’est pas pour déplaire à Moscou, ainsi crédité d’une projection de puissance bénéfique à sa propagande. S’il reste silencieux, le Kremlin a cessé de nier. C’est la galaxie médiatique contrôlée par Evgueni Prigojine, l’homme d’affaires pétersbourgeois proche de Vladimir Poutine et réputé être le patron de Wagner, qui se charge de créer ou d’amplifier les rumeurs sur la présence de ces miliciens russes sur le continent africain. Le coup d’Etat au Burkina Faso du 24 janvier l’a bien montré. Si l’implication du Kremlin n’est pas à ce stade avérée, M. Prigojine a aussitôt applaudi un putsch s’inscrivant dans une « nouvelle ère de décolonisation », tandis qu’un de ses proches, Alexandre Ivanov, a proposé les services d’« instructeurs russes » à l’armée burkinabée.
La foule célèbre la prise de pouvoir par les militaires sur une place de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, mardi 25 janvier, où sont brandis un drapeau russe et des pancartes hostiles à la France. MALIN FEZEHAI/NYT/REDUX/REA
Après trente ans de désengagement massif consécutif à la dislocation de l’Union soviétique, c’est au Soudan qu’a démarré, dès 2017, la grande saga du retour de la Russie en Afrique. Régnant sans partage sur un pays au bord de l’abîme, mais mis au ban de la communauté internationale, le dictateur Omar Al-Bachir, visé par deux mandats d’arrêt pour crimes contre l’humanité et génocide émis par la Cour pénale internationale (CPI) en 2010, s’était tourné vers Moscou.
Projet de base militaire au Soudan
D’abord sécuritaire (livraison d’armes et formation des troupes soudanaises par la Russie), cette coopération s’est aussitôt accompagnée de concessions pour l’exploration de sites aurifères, accordées par Khartoum à M Invest – une société liée à M. Prigojine, tête de pont des forces de Wagner –, qui s’appuie localement sur Meroe Gold, une filiale soudanaise. Le chef de l’Etat soudanais est aussi mis personnellement à contribution pour servir la politique de Moscou au Proche-Orient. Après avoir voué aux gémonies son homologue syrien Bachar Al-Assad, sauvé de la débâcle grâce à l’intervention de l’aviation russe en 2015, il est ainsi le premier dirigeant arabe à lui rendre une visite officielle en décembre 2018.
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