À l’occasion de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui a lieu jusqu’au 6 février au Cameroun, la CAF a mis en place six fan-zones à travers le pays pour les amateurs de football qui n’ont pas l’opportunité de se rendre dans les stades. Reportage dans celle du centre-ville de Yaoundé.
Vivre l’expérience collective de la Coupe d’Afrique des nations sans pour autant se rendre aux stades, c’est le principe des fan-zones, ces espaces où l’on vient vibrer autour du football sans pour autant être au cœur des évènements. Pour que la CAN-2022 profite aux 28 millions de Camerounais, la Confédération africaine de football (CAF) a mis en place six zones officielles à travers le pays, à laquelle s’ajoutent une multitude de plus petites et officieuses offrant aux spectateurs qui le désirent un endroit où communier ensemble.
En face de l’hôtel de ville de Yaoundé, dans le quartier de Tsinga, l’un de ces espaces estampillé CAF s’est ouvert. Il est bâti sur un immense rond-point, autour d’une stèle commémorative du cinquantenaire de la déclaration universelle des droits de l’Homme. Sur cet hectare, écrans géants, tribunes, stands de nourriture et petites boutiques à l’honneur des 24 nations qui disputent la Coupe d’Afrique.
« Aujourd’hui, c’est le Gabon et le Burkina Faso qui jouent. C’est plutôt calme et on peut circuler. Mais si vous veniez un jour où ce sont les Lions indomptables… Le jour du match d’ouverture, il y avait 11 000 personnes ! », explique le commissaire général du site, Malet Mal Njam.
Malet Mal Njam, le responsable de la fan-zone. © Allaoua Meziani, France 24
« Le Cameroun est un pays de foot »
Maillot du Cameroun sur les épaules, Christine Essomba, 30 ans, découvre l’initiative avec ses amis à l’occasion d’un verre.
« Je ne savais pas que cet endroit existait, mais maintenant je vais revenir chaque jour. L’ambiance est sympa, il y a du monde, de l’émotion », explique la jeune femme, installée au plus près de l’écran géant. « Tout le monde regarde la CAN dans nos familles, mais je préfère être dans la rue, dans les bars pour vivre les émotions. C’est beaucoup plus vivant. »
Christine est venue découvrir la fan-zone avec ses amis. © Allaoua Meziani, France 24
« Ça fait huit ans qu’on attend que la CAN ait lieu au Cameroun. Je ne suis pas trop fan de foot, mais comme c’est la Coupe d’Afrique et qu’elle a lieu dans mon pays, je veux profiter de tout ce qui va se passer. Huit ans qu’on l’attendait », s’enthousiasme Christine, qui, en l’absence du Cameroun, encourage le Burkina Faso face au Gabon.
À quelques tables de là, Elvis Ondo Nkoulou est installé avec ses frères. Ce Gabonais de 41 ans est venu de Libreville encourager les Panthères. Le petit groupe vêtu de jaune, vert et bleu profite du huitième de finale en vidant une bière locale, fierté du Cameroun. Après avoir vu les trois premiers matches du Gabon au stade Ahmadou-Ahidjo de Yaoundé, il a dû se rabattre sur la fan-zone pour le tour suivant, ses Panthères ayant été envoyées à Limbé pour leur premier match couperet.
« La fan-zone est bien organisée. Il y a à manger et à boire. C’est très sympathique. Même si le stade, c’est quand même autre chose ! », sourit le Gabonais. « Le Cameroun est un pays de football. Je savais que l’ambiance allait être conviviale. »
Pour la CAN-2022, les Gabonais ont débarqué en force chez leur voisin camerounais. © Allaoua Meziani, France 24
« Les gens viennent ici pour être ensemble. On a pas mal d’étrangers à la recherche d’un endroit où regarder la CAN. Les week-ends, les gens viennent passer un moment en famille avec leurs enfants. Le reste du temps, c’est souvent des gens de 25-30 ans plutôt aisés qui s’installent ici pour se détendre après le travail », constate Malet Mal Njam. « Les jeunes ne viennent pas trop. Ils préfèrent les endroits plus libres avec moins de règles. Chacun à sa manière de faire la fête. »
« Il y a des jours où on se bat pour les clients »
Pour les commerçants, cette initiative est également une possibilité de faire des bonnes affaires et mettre en valeur leur restaurant. Presque un tiers de la surface de la fan-zone est occupé par ces gargotes où l’on fait griller viandes et poissons sur d’immenses barbecues. On peut s’attabler sur le stand et suivre le match sur un des petits écrans ou se faire servir sur l’une des centaines de tables installées entre la tribune et l’écran géant.
« Les affaires marchent bien durant la CAN, mais surtout quand le Cameroun joue », explique Marie Josiane, 38 ans, qui travaille dans un ces stands. « Par contre, les autres jours, on se bat un peu pour les clients… »
Marie Josiane dans le stand où elle travaille © Allaoua Meziani, France 24
« Personnellement, je ne suis pas trop le foot mais je regarde parce que c’est dans mon pays. Et Je supporte tout le monde ! Le Cameroun, le Maroc, le Gabon… », affirme-t-elle dans un sourire fair-play et commerçant.
Stands aux couleurs de chaque pays
Une des volontés de la CAF avec cette fan-zone de Yaoundé était de mettre à l’honneur les artisanats des 24 pays participants. Ainsi, une mini-Afrique s’est reconstituée. Mariam tient le stand de l’Algérie, un pays dont elle continue de se considérer comme une citoyenne alors qu’elle est née au Cameroun d’un père algérien et d’une mère libyenne. Dans son échoppe ornée du drapeau algérien, on peut acheter des étoffes typiques du pays des Fennecs et du Maghreb. Elle les vend avec sa fille Amina, 13 ans.
« Cette fan-zone est une excellente idée car elle permet de rassembler les gens autour du football. Pour moi, c’est l’occasion de vendre ma marchandise. Pour avoir un stand aux couleurs de l’Algérie, j’ai dû aller demander son autorisation à l’ambassade d’Algérie », explique-t-elle.
Mariam dans sa boutique Algérie. © Allaoua Meziani, France 24
Celle qui a la double nationalité algérienne et camerounaise espérait voir l’Algérie venir jouer à Yaoundé en quarts de finale, mais l’élimination surprise du champion en titre dès le premier tour en a décidé autrement.
« Le jour du match face à la Côte d’Ivoire, j’étais dans cette fan-zone à la soutenir, seule face à la foule camerounaise acquise à la cause ivoirienne. J’ai été peinée, mais c’est la loi du sport », se rappelle-t-elle. « Aujourd’hui, je me dis que si le Cameroun gagne la coupe, je serai heureuse. Mais cela n’égalera jamais la joie de voir l’Algérie gagner. »
Un succès expliqué par les moindres restrictions sanitaires ?
Pour le commissaire général du site, les contrôles sanitaires plus légers et moins contraignants dans la fan-zone contribuent à son succès. « Nous avons ce monstre tentaculaire qu’est le Covid-19 qui a pesé sur cette CAN. Au début, les gens ne venaient pas car il y avait un malentendu à ce niveau-là. Il a été dissipé depuis », explique Malet Mal Njam. En effet, pour aller au stade, le gouvernement camerounais a décidé de manière conjointe avec la CAF que chaque spectateur devrait avoir entamé son cycle de vaccination et disposer d’un test négatif. Dans la fan-zone, bien que des tests soient proposés à l’entrée, « on marche à la confiance », assure le responsable du lieu.
« Il faut faire comprendre aux nôtres que ces impératifs ne sont pas simplement imposés par une autorité extérieure mais sont nécessaires pour des questions de santé », continue Malet Mal Njam. « Ce n’est pas ‘haut les mains’. On essaie d’être plus pédagogique. »
Pour son quart de finale, la Cameroun jouera pour la première fois hors de la capitale. Alors que les Lions indomptables seront à Douala samedi 29 janvier pour faire face à la Gambie, nul doute que la fan-zone de Yaoundé devrait encore faire le plein pour encourager l’équipe nationale.
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