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Des centaines de réfugiés des quartiers d’Ankorondrano et de Tsaramasay sont actuellement hébergés dans un gymnase à Antananarivo, le 20 janvier 2022. RIJASOLO / AFP
« Madame, combien êtes-vous ? », s’écrie le commandant de gendarmerie Jeannot Reribake depuis le balcon d’une maison du quartier d’Ampitatafika, à l’est d’Antananarivo, la capitale de Madagascar. Derrière la toiture en tôle ondulée, au dernier étage ouvert de sa maison en brique, une femme apeurée répond « trois ».
La mère de famille est bloquée à cause du niveau de la rivière Ikopa, sortie de son lit. La petite cour est inondée par près de deux mètres d’eau. Cinq gendarmes en uniforme, harnachés de mousquetons et de cordes, descendent avec précaution pour aller chercher ses enfants en premier.
« Ça fait quarante ans que j’habite dans le quartier, je n’ai encore jamais vu ça, confie Eugénie*, 65 ans, qui tient une gargote un peu plus en bas de la ruelle. Des inondations, il y en a tous les ans à cause de la saison des pluies [d’octobre à avril]. Mais à ce niveau, non, je n’ai jamais vu », répète-elle les yeux écarquillés.
Il ne faut marcher qu’une centaine de mètres plus en contrebas pour découvrir l’une des digues qui entoure Ampitatatfika. Cette dernière menace de céder à tout moment. En file indienne, gendarmes et riverains se passent des sacs de sable pour colmater les brèches. Un peu plus loin sur la berge, d’autres habitants attendent avec impatience les zodiacs qui doivent ramener d’autres sinistrés, piégés dans leurs maisons.
« Vigilance rouge danger imminent »
Dans les flots continus de l’eau rouge, chargés de latérite typique des hauts plateaux, on peut lire toute la vie du fokontany (« quartier » en malgache) : détritus, cadavres d’animaux, vêtements, objets, journaux…
La formation d’une tempête tropicale, baptisée Ana, sur la côte est de Madagascar, lundi 17 janvier, a provoqué des pluies torrentielles sur toute la partie nord-est de l’île, toujours placée sous « vigilance rouge fortes pluies ». D’après le Bureau national de gestion des risques et des catastrophes (BNGRC), une cellule de crise rattachée au ministère de l’intérieur, les inondations ont fait 41 morts.
« La plupart des décès sont dus à l’écroulement des maisons et à l’effondrement des murs de soutènement », note John Razafimandiby, le directeur du Centre d’études de réflexion de veille et d’orientation (Cervo) – une unité de sauvetage rattachée au BNGRC. Plusieurs communes autour de la capitale sont également placées sous « vigilance rouge danger imminent » à cause de la crue des rivières.
« Nous sommes actuellement en train de gérer les ruptures de digue autour d’Antananarivo, détaille John Razafimandiby. Lundi après-midi, dans le quartier d’Ampitatatafika, nous avons effectué des évacuations préventives de près de 1 000 personnes qui risquaient de se retrouver piégées. »
Près de 110 000 sinistrés
Certains riverains refusent de quitter leurs habitations malgré la montée des eaux. « Vous ne comprenez pas, s’agace Joseph*, 55 ans, casquette vissée sur la tête. Moi, j’ai toute ma vie dedans [ma maison]. Mon lit, des meubles, des draps. Je n’ai pas envie qu’on me cambriole ! » L’homme a été sorti manu militari de son domicile inondé par les gendarmes.
Les autorités ont suspendu les cours dans 38 localités de l’île afin de transformer les écoles en centre d’hébergement pour les sinistrés, qui sont un peu plus de 110 000 sur les sept régions du nord-est de l’île touchées, dont 85 000 à Antananarivo. Dans l’une des écoles primaire publique d’Ampitatatafika, ce ne sont pas moins de deux cents personnes qui attendent au sec l’aide du ministère de la population. Ils sont logés et nourris, mais pour combien de temps ?
Dans une salle de classe, les enfants jouent par terre ou gisent, fatigués, sur des couvertures de fortune. Une odeur d’urine flotte dans l’air. « On étouffe ici, souffle Sylvia Rasoahataniry, 31 ans, sans emploi. Ma maison a été inondée mardi dernier, puis elle s’est écroulée quelques jours après. Depuis, on vit ici. J’espère avoir de l’argent du gouvernement pour la reconstruire quand ça sera terminé. Ici, on dort mal. Je dors assise parce qu’il y a trop de monde. »
Si les fortes précipitations sont un phénomène commun pendant la saison des pluies, la violence des inondations a pris tout le monde de court cette année, population comme autorités.
« Antananarivo a un problème d’urbanisme. La ville est bâtie sur une colline qui surplombe des plaines rizicoles, analyse Joan Razafimaharo, architecte. Mais sous la pression démographique, on a commencé à remblayer les rizières pour gagner du terrain. Sauf qu’un remblai en zone humide limite l’absorption de l’eau par les sols, un phénomène qui aggrave les inondations. » Selon la direction générale de la météorologie, rattachée au ministère afférent, les pluies devraient cesser dès mercredi 26 janvier.
*Les prénoms ont été changés.
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