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Le Pakistan et ses contradictions dans l’œil de Lucas Barioulet

Par Sophie Landrin

Publié aujourd’hui à 06h00

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En imagesUn enfant rêveur dans une école coranique, un lutteur à l’entraînement, des reliefs montagneux abrupts… Le photographe français livre des clichés de la vie quotidienne empreints d’une douce mélancolie. Mais sur cette « Terre des purs », qu’il a arpentée en 2021, l’obscurantisme et la violence menacent toujours.

Une jeune femme seule, terriblement seule. Elle patiente sur un canapé, dans une robe rose brodée, un voile sur les cheveux, les mains jointes dessinées au henné, derrière un décor paré de fleurs. Elle semble sur le point de pleurer, absorbée dans son malheur. Cette femme est une Pachtoune de Peshawar, au nord-ouest du Pakistan, près de la frontière afghane, dans une région tribale. Elle va être mariée, contre son gré. Elle attend son futur époux. Celui-ci s’amuse avec ses hôtes masculins, qui dansent et rient ensemble. Dans une pièce séparée de celle des femmes. Au cours de la cérémonie, jamais les deux groupes ne se croiseront, en dehors du marié, autorisé à rejoindre sa promise.

A des centaines de kilomètres de là, au Pendjab, un transsexuel pose dans une rue de Lahore, l’œil coquin, les lèvres aussi rouges que sa robe. Il fait partie de cette communauté très ancienne, propre au sous-continent indien, les hijras, des hommes nés dans un mauvais corps et qui ont préféré devenir femmes. Les hijras, dont la présence est censée assurer la fertilité des couples, officient, contre rémunération, dans les mariages et les baptêmes. Elles sont convoitées pour leur danse, mais restent souvent des parias, condamnées à la prostitution et à la mendicité.

Une relation intime avec ses hôtes et ses sujets

Avec son appareil argentique, Lucas Barioulet, 25 ans, a parcouru le nord du Pakistan pendant trois mois, de janvier à mars 2021, pour capturer les multiples visages de ce pays enfermé dans ses clichés. Née de la partition de l’­Empire britannique des Indes, en 1947, la jeune nation, qui a grandi dans l’ombre de son ennemi juré, l’Inde, est une puissance nucléaire minée par l’instabilité, dominée par les militaires et rongée par l’islamisme, les violences communautaires, les attaques terroristes. Un pays qui navigue entre obscurantisme et modernité.

« Avec l’utilisation d’un moyen format argentique à pellicule (…), on est limité dans le nombre de prises, on réfléchit davantage à ce que l’on prend. » Lucas Barioulet

Son voyage a mené le jeune Français d’Islamabad, la capitale, à l’ancienne cité de Lahore, en passant par Peshawar, dans le Khyber Pakhtunkhwa. Il a découvert les sommets du Karakoram, dans le Gilgit-Baltistan, et la vallée de Swat, surnommée la « Suisse pakistanaise » en raison de la beauté de ses montagnes et de ses lacs, mais ruinée par des années d’islamisme lorsqu’elle était sous le joug des talibans.

Lucas Barioulet a vécu, sac au dos, au plus près des habitants et des tribus. Il se présentait sous l’identité d’un Espagnol, pour ne pas éveiller le ressentiment antifrançais, très fort après la republication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo, en septembre 2020. A chaque étape, le photographe a pris son temps pour construire une relation intime avec ses hôtes et ses sujets. « L’utilisation d’un moyen format argentique à pellicule plutôt que d’un appareil numérique m’y obligeait, explique-t-il. Avec ce type de matériel, on est limité dans le nombre de prises, on réfléchit davantage à ce que l’on prend. On ne peut pas “voler” des images, car on est contraint d’installer son matériel, son trépied, de mesurer sa lumière. »

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