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Message de KFC Kenya sur Twitter.
La polémique, comme souvent, a commencé par un banal tweet. Un message posté le 3 janvier par la branche kényane de la chaîne de restauration rapide Kentucky Fried Chicken (KFC) et qui disait en substance : « Vous aimez un peu trop nos frites et nous sommes en rupture de stock. Désolé ! » Pas de quoi, a priori, affoler les algorithmes. Sauf que la pénurie n’avait pas grand-chose à voir avec le goût immodéré des Kényans pour les frites.
Le patron de franchise locale de KFC, Jacques Theunissen, a dû le reconnaître : si ses restaurants sont en rupture, c’est parce que les importations ont été compliquées par la pandémie de Covid-19. Cet aveu fait au journal Business Daily qui a soulevé une vague de protestation au Kenya, où la culture de la pomme de terre est largement répandue, le secteur employant à lui seul pas moins de 3,5 millions de personnes, selon le ministère de l’agriculture.
Pourquoi KFC ne se fournit-il donc pas auprès des producteurs locaux ? La question n’en finit pas de faire le tour de la Toile, sur fond d’appel au boycottage. Puisque la chaîne de fast-food fait venir ses frites par bateau, se sont indignés de nombreux internautes, KFC n’a qu’à importer également ses clients ! Des cultivateurs ont aussi posté sur les réseaux sociaux des photos de leurs champs et de leurs récoltes pour inciter la marque à faire appel à eux.
Processus de certification
KFC, via sa franchise kényane Kuku Food, s’est défendue en expliquant que les pommes de terre locales ne suivent pas le processus de certification de qualité requis. Un argument qui a aggravé la colère des consommateurs, certains l’interprétant comme une mise en cause de la qualité des tubercules kényans, alors que plus de soixante variétés sont cultivées dans le pays.
« La justification de KFC ne veut pas dire que les agriculteurs sont incapables de satisfaire aux standards de la marque, mais que le produit demandé n’est pas développé ici », tempère Wachira Kaguongo, directeur du Conseil national de la pomme de terre. Car c’est moins la qualité des patates qui pose problème que le type des biens importés : suivant les règles imposées par la chaîne, les filiales de KFC ne se fournissent pas en patates entières, mais en frites déjà découpées et congelées. Or ces bâtonnets transformés ne sont pas disponibles au Kenya. Kuku Food les fait donc venir d’Egypte.
Profitant de la crise, plusieurs enseignes de fast-food concurrentes comme Burger King ou Chicken Inn ont fait savoir qu’elles achetaient, elles, des pommes de terre locales. C’est également le cas de beaucoup des restaurants internationaux et d’hôtels cinq étoiles comme le Radisson Blu, a souligné le journal The National.
Protéger le marché intérieur
KFC assure, de son côté, que ses restaurants s’approvisionnent localement à 80 % notamment pour la volaille, la farine, l’huile, les pains, les ingrédients frais et les emballages. Face à la bronca suscitée par son tweet, la chaîne est néanmoins revenue sur sa politique d’importation en annonçant, dès le 4 janvier, qu’elle se fournirait désormais auprès des fermiers locaux dont les produits collent à ses standards. D’après le Conseil national de la pomme de terre, l’entreprise a déjà repéré au moins une variété qui pourrait convenir.
Mais la polémique a révélé un problème plus vaste : celui du manque de protection des agriculteurs kényans dans une économie mondialisée. « Une taxe douanière de 30 % sur les pommes de terre importées pour faire des frites a été annoncée en juin, mais ce genre de mesure aurait dû être prise il y a dix ans », déplore Wachira Kaguongo.
Le directeur de cabinet du ministère de l’agriculture, Peter Munya, a affirmé dans la presse lundi 17 janvier que le gouvernement interdirait purement et simplement à partir de juin l’importation de pommes de terre irlandaises, dans le but de protéger le marché intérieur. Une mesure irréaliste, estime Wachira Kaguongo, dès lors que les chaînes de production manquent pour transformer les tubercules.
Des efforts ont été faits ces dernières années pour fournir des graines certifiées et développer le secteur qui contribue chaque année à hauteur de 50 milliards de shillings (quelque 390 millions d’euros) à la richesse nationale selon le Conseil national de la pomme de terre. La bourde de KFC, présent sur le marché kényan depuis 2011, pourrait paradoxalement contribuer à accélérer le processus.
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