Tribune. La dissuasion nucléaire s’est invitée récemment dans la campagne présidentielle. Alors que le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, s’interrogeait sur son utilité, le député La République en marche de l’Eure Fabien Gouttefarde en a justifié le maintien dans une tribune publiée par Le Monde le 31 décembre 2021, reprenant les arguments du complexe militaro-industriel et politique. Il suffit pourtant de les passer en revue pour se rendre compte que ces arguments sont pour le moins éculés.
Il en va ainsi du coût prétendument faible de la dissuasion nucléaire. Tout est évidemment relatif. Ramener le coût annuel de l’arme nucléaire à un calcul par habitant n’a pas de signification s’il n’est pas comparé. En revanche, il est choquant de savoir que les crédits affectés à la dissuasion nucléaire ont été doublés dans la loi de programmation militaire 2019-2025, passant de 3 à 6 milliards d’euros par an. Cela ne pourra se faire, malgré l’augmentation du budget des armées, qu’au détriment des forces conventionnelles pourtant sur le terrain en permanence, au détriment des investissements dans les nouvelles technologies et les nouveaux espaces conflictuels, comme le cyberespace ou l’espace extra-atmosphérique, ou encore au détriment de la lutte contre les nouvelles menaces globales, climatiques et sanitaires notamment.
Inévitable escalade
Un autre argument invoqué est l’implication très forte des armées et de l’industrie de défense en faveur de la dissuasion nucléaire. En tant que militaire, je ne puis que confirmer la compétence et le dévouement des personnels civils et militaires engagés dans la défense de notre pays. Toutefois, suggérer que leurs qualités morales et professionnelles sont liées à la mise en œuvre de l’arme nucléaire, c’est nier leur valeur intrinsèque. Ces qualités leur appartiennent en propre. Elles sont au service de la France et ne dépendent pas d’une arme, quelle qu’elle soit.
Par ailleurs, prétendre être leur interprète relève de l’imposture. C’est oublier que, étant en situation d’activité, ils sont astreints au devoir de réserve. En revanche, nombreux sont les militaires en France et à l’étranger qui, n’étant plus en activité, ont exprimé leur conviction selon laquelle la dissuasion nucléaire est désormais inutile et dangereuse.
Quant à l’argument des bienfaits technologiques et économiques qu’apporterait la dissuasion nucléaire, il ignore que la plupart des chercheurs et des entreprises qui y contribuent pourraient très bien se reconvertir dans d’autres domaines plus porteurs d’avenir.
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