Dans un décor figé par une neige tombée en abondance et qui fait ployer les arbres de la forêt environnante, le convoi finit par s’immobiliser le long d’une clôture. L’étape est rapide, il n’y a pas âme qui vive ici, mais elle permet à la ministre de l’intérieur lituanienne, Agné Bilotaité, de montrer à ses collègues européens, invités sur place, un lieu redouté : la ligne de démarcation avec la Biélorussie voisine.
Le grillage, qui s’étend à perte de vue le long de la frontière, est neuf. Plus haut, aussi – avec quatre mètres de hauteur –, que le précédent, afin de dissuader les migrants du Moyen-Orient ou d’Afrique subsaharienne, poussés par les autorités biélorusses, de pénétrer sur le territoire. Les ministres présents hochent la tête. « Avant, ça se passait dans le sud, maintenant c’est partout, en Lituanie, en Pologne, ou même en Hongrie, pour des raisons géopolitiques », avance le Français Gérard Darmanin, en piétinant le sol gelé.
Puis, toujours escorté par des gardes-frontières armés, le cortège a fait demi-tour en direction de Vilnius, la capitale, distante d’à peine 40 kilomètres.
En association avec la Pologne, la Grèce et l’Autriche, la Lituanie y organisait, vendredi 21 janvier, une conférence sur les frontières, en présence de vingt-neuf délégations européennes et de la commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson. Cette réunion, prévue pour débattre de sécurité dans l’espace Schengen, à l’aune, notamment, de l’instrumentalisation des migrants par le dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko depuis des mois, vis-à-vis de la Lituanie, comme de la Pologne, a surtout été lestée par l’annonce des prochaines manœuvres militaires russo-biélorusses, prévues entre le 10 et le 20 février, aux portes de l’Europe.
Un parfum de guerre
« C’est vraiment le bon moment pour parler des frontières », s’est exclamée la ministre de l’intérieur lettone, Marija Golubeva. Dans un contexte où Moscou a massé des milliers de soldats à la frontière avec l’Ukraine, et où Washington ne cesse d’alerter sur une possible « invasion » de ce pays, l’atmosphère, à Vilnius, est passée de la « guerre hybride », sur la question migratoire, à un parfum de guerre tout court.
Vendredi, le ministre de la défense lituanien, Arvydas Anusauskas, a confirmé sur son compte Facebook que les trois Etats baltes allaient envoyer des armes à l’Ukraine, après avoir obtenu le feu vert des Etats-Unis pour le transfert d’équipements fabriqués outre-Atlantique. « A la lumière croissante de la pression militaire russe [nous avons] décidé de répondre aux besoins des Ukrainiens, a-t-il souligné. La Lituanie et la Lettonie fourniront des missiles antiaériens Stinger, l’Estonie des missiles antichar Javelot. » Le Royaume-Uni envisagerait pour sa part de déployer des troupes supplémentaires dans ces trois pays, à « titre dissuasif », selon le quotidien britannique The Times citant des sources militaires anonymes.
Il vous reste 67.72% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
L’article En Lituanie, une frontière européenne sous tension est apparu en premier sur zimo news.