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Elza Soares, « chanteuse brésilienne du millénaire », meurt à 91 ans

Elza Soares, le 29 septembre 2019, au festival Rock in Rio, au Brésil. MAURO PIMENTEL / AFP

La diva de la chanson brésilienne, Elza Soares, est morte, jeudi 20 janvier, à l’âge de 91 ans de « causes naturelles » dans sa résidence de Rio de Janeiro, a annoncé son service de presse sur le compte Instagram de l’artiste.

Avec plus d’une trentaine de disques à son actif en plus de soixante ans de carrière, l’artiste noire au timbre rauque caractéristique était considérée comme une des plus grandes voix de la chanson brésilienne. En 1999, la BBC l’avait sacrée « chanteuse brésilienne du millénaire ».

« Icône de la musique brésilienne, considérée comme une des plus grandes artistes dans le monde, la chanteuse sacrée “Voix du millénaire” a eu une vie extraordinaire, intense, qui a ému le monde avec sa voix, sa force et sa détermination », précise le communiqué.

« Tout dans ma vie a commencé de travers »

Née le 23 juin 1930 dans une famille pauvre, Elza Soares est parvenue tout au long de sa carrière à évoluer avec aisance dans les environnements les plus divers, de la favela d’Agua Santa dans la banlieue de Rio, où elle a grandi, aux salles de concert du monde entier.

Samba, jazz, bossa nova et même rock convenaient à la voix rauque de la chanteuse. Au début de sa carrière, on a même pensé que ce timbre si caractéristique était dû à une anomalie. « On disait ça avant, mais personne n’a de corde vocale supplémentaire, c’est un truc de fou. Elle est tordue, je pense qu’elle est tordue, car tout dans ma vie a commencé de travers », racontait la chanteuse dans un entretien sur une chaîne brésilienne en 2002.

Tout comme sa carrière, la vie personnelle d’Elza Gomes da Conceição Soares a alterné joies et drames. Forcée de se marier à 12 ans par son père, elle a son premier enfant l’année suivante. A 21 ans, elle est déjà veuve et a donné naissance à sept enfants, dont cinq seulement ont survécu.

En difficultés financières – elle avait confessé avoir volé de la nourriture pour nourrir ses enfants –, elle décide en 1953 de participer à une émission musicale radiophonique. Lorsque le présentateur se moque de son apparence en demandant « De quelle planète venez-vous ? », elle répond sèchement : « De la planète de la faim ». Après sa prestation, il déclare : « Mesdames et Messieurs, une étoile est née ».

« Un saxophone dans la gorge »

En 1962, lors de la Coupe du monde de football au Chili, où elle a été invitée pour être la marraine de l’équipe brésilienne, la star américaine Louis Armstrong est charmé par la chanteuse et son « saxophone dans la gorge ». Elle entretient pendant dix-sept ans une relation à la fois fusionnelle et orageuse avec Garrincha, légende du foot brésilien, décédé en 1983, meurtri par les ravages de l’alcool. Trois ans plus tard, le fils du couple décède à l’âge de 9 ans dans un accident de la route. Au total, quatre des huit enfants de l’artiste sont décédés.

Elza Soares et son deuxième mari, le footballeur brésilien Garrincha, sur une photo dont la date est inconnue. AP

La chanteuse à la chevelure flamboyante a connu plusieurs renaissances musicales. En 1984, elle enregistre Lingua avec Caetano Veloso. Lors de l’ouverture des Jeux panaméricains à Rio en 2007, elle est choisie pour chanter l’hymne national brésilien a capella.

Avec la sortie de l’album A Mulher do Fim do Mundo (« La femme de la fin du monde »), en 2015, les nouvelles générations la découvrent. Le disque, qui traite du racisme, du machisme, de la violence envers les femmes, connaît un succès retentissant et remporte le Grammy latino du meilleur album de chanson brésilienne. A partir de Deus é mulher (« Dieu est une femme »), sorti en 2018, le public la voit chanter assise, à la suite de plusieurs opérations du dos qui ont réduit sa mobilité. Mais elle n’a rien perdu de son enthousiasme. « Je vais te dire un truc : mon âge n’a rien à voir avec mon énergie », confiait-elle à l’Agence France-Presse (AFP) à l’occasion de la sortie de ce disque.

Elza Soares en réprésentation à Rome, le 26 janvier 1970, lors de son premier concert en Europe. GIANNI FOGGIA / AP

Critique contre la vague conservatrice

La chanteuse se montrait aussi critique envers la vague conservatrice liée à la poussée des églises néopentecôtistes qu’envers les inégalités béantes d’un pays encore frappé par de graves problèmes de racisme. « Nous vivons dans un pays plein de préjugés, c’est horrible. C’est ma patrie, je l’aime à la folie. Mais nous n’avons pratiquement pas de droits. Les pauvres, les Noirs, les femmes, où sont leurs droits ? » s’insurgeait-elle.

« Je n’ai pas peur de la mort, j’ai peur de la vie. Elle est si mauvaise pour les gens que je me dis : Mon Dieu, comment peuvent-ils la supporter ? Mais il faut vivre, il faut avoir de la force », confiait encore celle qui était devenue pour les Brésiliens un symbole de résistance et de courage.

« La bien-aimée et éternelle Elza est partie se reposer, mais elle restera à jamais dans l’histoire de la musique et dans nos cœurs et dans celui des millions de fans dans le monde. Comme Elza Soares le souhaitait, elle a chanté jusqu’à la fin », a conclu le communiqué en ce triste jour pour le Brésil.

Le Monde avec AFP

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