Une frappe aérienne contre une prison tenue par les rebelles houthis a fait au moins 70 morts et une centaine de blessés au Yémen. L’attaque est attribuée à la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite. La veille, celle-ci avait revendiqué un raid contre la ville de Hodeïda qui a coûté la vie à trois enfants.
Au moins 70 personnes ont été tuées et une centaine blessées, vendredi 21 janvier, dans une frappe aérienne contre une prison tenue par les rebelles au Yémen, une attaque attribuée à la coalition sous commandement saoudien et témoignant d’une vive escalade de la violence.
Jeudi soir, cette coalition militaire intervenant depuis 2015 au Yémen, pays en guerre, a revendiqué un raid contre la ville de Hodeïda (ouest). Il a coûté la vie à trois enfants selon une ONG.
L’Arabie saoudite est à la tête de la coalition composée de pays musulmans dont les Émirats arabes unis, qui soutient les forces gouvernementales yéménites face aux rebelles houthis appuyés par l’Iran.
En pleine nuit, un bombardement aérien a frappé une prison à Saada, fief des Houthis dans le nord. Au moins 70 personnes ont été tuées et 138 blessées, selon l’ONG Médecins sans frontières (MSF), qui a dénoncé une attaque « horrible ».
Ce bilan ne concerne qu’un seul hôpital de Saada, « deux autres établissements ayant reçu de nombreux blessés ». « Des recherches se poursuivent dans les décombres », a ajouté MSF.
« Indifférence flagrante » pour la vie des civils
Il n’était pas possible de savoir dans l’immédiat qui étaient les détenus, ni combien ils étaient. Mais huit ONG dont Action contre la Faim, Oxfam et Save the Children, ont indiqué dans un communiqué commun que parmi les morts figureraient des migrants. Se disant « horrifiées », ces ONG ont dénoncé une « indifférence flagrante » pour la vie des civils.
L’attaque de Saada n’a pas été revendiquée mais les Houthis ont accusé la coalition, qui contrôle l’espace aérien du Yémen, d’avoir perpétré un « crime » à Saada.
Les rebelles ont diffusé une vidéo montrant des scènes macabres présentées comme les conséquences de la frappe : bâtiments détruits, secouristes dégageant des corps des décombres et cadavres mutilés.
« De ce que j’ai entendu de la part de collègues à Saada, il y a de nombreux corps et de nombreux disparus », a dit Ahmed Mahat, le chef de la mission de MSF au Yémen.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a condamné dans un communiqué « les frappes aériennes de la coalition.
« D’autres frappes aériennes ont été rapportées ailleurs au Yémen, avec aussi des morts et des blessés parmi les civils, dont des enfants », a-t-il aussi dénoncé, en réclamant « des enquêtes rapides, efficaces et transparentes » sur ces événements afin d’assurer que leurs auteurs rendent des comptes.
« Réponse proportionnée »
Jeudi soir, la coalition a ciblé la ville portuaire d’Hodeïda aux mains des Houthis.
Au moins trois enfants ont été tués, selon Save the Children. « Ils jouaient apparemment sur un terrain de football voisin quand les missiles ont frappé. »
La coalition a déclaré avoir visé à Hodeïda une « plaque tournante de la piraterie et du crime organisé ».
Après le raid, l’organisation NetBlocks, spécialisée dans la surveillance de l’Internet dans le monde, a fait état d’un « effondrement des connexions Internet dans le pays ». Des correspondants de l’AFP à Hodeïda et Sanaa ont confirmé la panne.
C’est par Hodeïda que transite la majeure partie de l’aide humanitaire destinée au pays, un enjeu vital dans la guerre.
Ces frappes sont intervenues après la revendication par les Houthis d’une attaque au drone et au missile, lundi, contre des installations pétrolières et aéroportuaires à Abu Dhabi, capitale des Émirats (trois morts). Les Émirats ont averti qu’ils y riposteraient.
Sans dire clairement qui est à l’origine de l’attaque contre la prison, l’ambassadrice des Émirats à l’ONU, Lana Zaki Nusseibeh, a affirmé que la coalition militaire avait « une réponse proportionnée dans toutes ses opérations militaires ».
Elle s’exprimait après une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU qui a condamné « dans les termes les plus forts les attentats terroristes odieux perpétrés à Abu Dhabi ».
« Inacceptable »
Pendant le conflit au Yémen, la coalition militaire a été accusée de multiples « bavures » contre des civils. Elle a reconnu des « erreurs », mais accuse les rebelles houthis d’utiliser les civils comme boucliers humains.
La frappe contre la prison « n’est pas acceptable », a déclaré l’ambassadrice de la Norvège à l’ONU, Mona Juul, présidente du Conseil de sécurité de l’ONU en janvier.
Dans un tweet, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a indiqué être « profondément choqué » par les informations sur des frappes de la coalition sur des « zones peuplées », notamment à Saada. « Le coût en vies humaines est inacceptable. »
Le 3 janvier, les Houthis avaient détourné un navire battant pavillon des Émirats en mer Rouge, aggravant davantage les tensions. La coalition avait ensuite averti qu’elle bombarderait les ports tenus par les Houthis.
Après leur prise de la capitale Sanaa en 2014, les rebelles ont réussi à s’emparer de vastes pans du territoire yéménite, en particulier dans le Nord. Le conflit a fait 377 000 morts, selon l’ONU.
Avec AFP
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