Ancien ministre aux affaires européennes, eurodéputé de 1999 à 2019, Alain Lamassoure préside l’Observatoire de l’enseignement de l’histoire en Europe. Créé en novembre 2020 dans le cadre du Conseil de l’Europe, cet organisme naissant vise à améliorer la qualité de l’enseignement, afin de renforcer les valeurs européennes communes. Ce projet rejoint les récentes déclarations d’Emmanuel Macron qui, durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE), souhaite lancer « un grand travail sur l’histoire de l’Europe » pour lutter contre les « révisionnismes », et « forger une histoire et une historiographie de notre Europe » .
La tentation du révisionnisme historique à des fins politiques a fait irruption dans la campagne présidentielle française avec les propos d’Eric Zemmour sur la France de Vichy ou l’affaire Dreyfus. Comment l’expliquez-vous ?
C’est une posture clairement ultranationaliste, qui ne me surprend pas. Ce discours qui, rappelons-le, suscite un rejet massif dans l’opinion, est tenu depuis des mois. Il a été rendu possible car Eric Zemmour avait en face de lui des adversaires politiques qui ne lui apportaient pas la contradiction, faute de connaissances historiques ; quant aux historiens, ils ont mis du temps à se mobiliser car ils n’avaient pas en face d’eux l’un des leurs. Emmanuel Macron, de son côté, plaide pour une amélioration de l’enseignement de l’histoire dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, pour prévenir les révisionnismes facilités par l’ignorance.
Vous défendez l’idée que l’enseignement de l’histoire est essentiel pour prévenir l’instrumentalisation du passé. De quelle manière ?
Lorsque les discussions se sont ouvertes sur l’adhésion des pays de la zone ex-communiste à l’Union européenne, il m’a semblé qu’une des raisons de la réémergence des mouvements populistes et nationalistes tenait à une mauvaise qualité de l’enseignement de l’histoire. Il faut se souvenir que l’idée d’enseigner l’histoire aux enfants est, partout, née en même temps que l’idée de nation. Il s’agissait alors de raconter ou d’inventer un roman national à travers des faits légendaires pour consolider le sentiment d’identité nationale.
La difficulté consiste aujourd’hui à amener ces nations, qui bien souvent sont nées de la guerre et pour la guerre, à enseigner le passé et des raisons d’en être fiers. Les dirigeants sont donc confrontés à un dilemme : comment consolider le sentiment national, tout en s’assurant que soient transmises des valeurs de paix et de réconciliation ? L’Europe est globalement en paix depuis plus de soixante-dix ans. Cela ne peut durer que s’il y a une transmission de ces valeurs, car la paix, ce n’est pas seulement l’absence de guerre, c’est aussi la réconciliation.
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