Glaçants et anonymes, les messages sont apparus soudainement. Toumso Abdourakhmanov a reçu le sien sur sa chaîne Telegram, le 22 décembre 2021. « Nous allons bientôt commencer à t’envoyer les photos de tes proches. Certains seront à l’agonie, voire morts. Si tu parviens à reconnaître leurs tronches défigurées, bien sûr. » Suivait une petite émoticône souriant et clignant de l’œil. Puis : « A propos de ta cousine, Takhmina, nous prendrons particulièrement notre pied avec elle. »
Réfugié en Suède, le blogueur de 37 ans, très connu en Tchétchénie, apprenait ainsi la disparition de neuf membres de sa famille, « enlevés » à plus de 3 000 kilomètres de là, dans ce petit territoire du Caucase russe à majorité musulmane dirigé par l’implacable Ramzan Kadyrov. Ce fut ensuite le tour d’au moins six autres Tchétchènes réfugiés en Allemagne, en Autriche, en Turquie, ou encore en Russie, de recevoir les mêmes menaces. Avec plus d’une centaine de leurs parents portés disparus, en cumulé.
Depuis, la moitié d’entre eux ont retrouvé la liberté, mais à ce jour, l’autre moitié n’a pas donné de nouvelles et reste injoignable. Paniquée, la diaspora tchétchène s’est réunie, le 8 janvier, devant le Conseil de l’Europe, à Strasbourg. Quelque trois cents délégués, parfois enroulés dans le drapeau de la Tchétchénie indépendante avec le symbole du loup, ont remis au commissaire aux droits humains un texte implorant son aide « pour libérer des innocents ». « Ces personnes ont été prises en otage uniquement parce qu’elles sont des proches de blogueurs, de militants des droits humains et de personnalités publiques vivant à l’étranger (…) dans le but de faire pression sur eux et d’entraver leurs activités. »
Implication du régime tchétchène
Porteurs de pancartes « Chechen Lives Matter » (« les vies tchétchènes comptent », en référence au mouvement nord-américain Black Lives Matter), beaucoup arboraient des masques et des capuches dissimulant leurs visages par crainte des représailles. La peur qu’inspire Ramzan Kadyrov, qui n’a pas hésité à commanditer le meurtre de plusieurs opposants sur le territoire européen, dont celui du blogueur Imran Aliev, tué avec une arme blanche à Lille en janvier 2020, est telle que son nom n’a même pas été mentionné. Les protestataires se sont limités à dénoncer l’action des « représentants des autorités russes en Tchétchénie ».
L’implication du régime tchétchène dans cette nouvelle campagne de terreur ne fait pourtant guère de doute. Un journaliste du site d’investigation Bellingcat, Christo Grozev, a découvert que le numéro de téléphone à partir duquel l’un des messages de menace avait été envoyé appartient à un officier de 28 ans membre des forces spéciales russes (SOBR), qui rend compte personnellement à Ramzan Kadyrov.
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