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Espionnage au logiciel Pegasus : l’opposition polonaise dénonce une atteinte au processus électoral

Le sénateur polonais Krzysztof Brejza, à Varsovie, le soir des élections législatives, le 13 octobre 2019. AP

Trois semaines après les premières révélations en Pologne, peu avant Noël, sur l’utilisation par le pouvoir du logiciel espion Pegasus, le scandale n’en finit pas d’embarrasser la majorité nationale conservatrice du PiS (Droit et justice), au pouvoir à Varsovie. Selon les informations du centre de recherche canadien Citizen Lab, confirmées par Amnesty International, les téléphones de deux éminents représentants de l’opposition démocrate, ainsi que celui d’une magistrate, ont été piratés à l’aide du logiciel de la société israélienne NSO Group, un outil particulièrement sophistiqué d’infiltration de smartphones.

Dans un entretien à l’hebdomadaire progouvernemental wSieci, lundi 10 janvier, le vice-premier ministre chargé des questions de sécurité et homme fort de la majorité, Jaroslaw Kaczynski, a admis que les services de renseignement polonais étaient bien en possession du logiciel, niant toutefois son utilisation à des fins politiques. Mais dans un pays où le gouvernement est pointé du doigt pour ses atteintes récurrentes aux principes de l’Etat de droit, l’affaire paraît particulièrement grave : la Pologne serait le deuxième Etat de l’Union européenne, après la Hongrie, à utiliser le logiciel controversé, et le seul, où il aurait été utilisé contre des représentants de l’opposition politique, qui plus est en période électorale.

En cause, le profil particulièrement sensible de deux des personnes visées. Le sénateur Krzysztof Brejza, membre de la Plate-forme civique, le premier parti d’opposition, s’est ainsi vu pirater son téléphone à trente-trois reprises entre avril et octobre 2019, alors qu’il était le chef de campagne de son parti pour les élections européennes et législatives. Les intrusions ont commencé un mois avant le scrutin européen et ont cessé quelques jours après les élections législatives. Et même si l’intéressé faisait alors l’objet de soupçons – abandonnés depuis – dans une affaire mineure de fausses factures, cet argument, avancé par M. Kaczynski pour justifier ces écoutes, n’a pas convaincu grand monde.

« Watergate polonais »

D’autant plus que certains SMS dérobés sur le téléphone de M. Brejza se sont retrouvés au cœur d’une campagne de dénigrement orchestrée par la télévision publique, quelques semaines avant le scrutin législatif. « Tout semble indiquer que c’était une opération conduite de concert entre les services de renseignement, à l’aide du logiciel Pegasus, et les propagandistes en chef du pouvoir. Ce sont des méthodes particulièrement sales, qui n’ont rien à voir avec les standards d’un Etat démocratique, confie au Monde M. Brejza. Au-delà des atteintes à ma personne, c’est surtout les citoyens qui ont été privés d’un processus d’élections libres et non faussées. » De l’avis de plusieurs spécialistes en droit électoral, dont l’ancien président de la Cour suprême, Adam Strzembosz, si ce scandale avait émergé à l’époque, la Cour suprême polonaise aurait dû invalider le résultat des élections.

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