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Présidentielle : qu’est-ce que le jugement majoritaire utilisé par la Primaire populaire ?

Publié le : 15/01/2022 – 15:07

Les organisateurs de la Primaire populaire ont annoncé samedi les candidats qui seront soumis au vote du 27 au 30 janvier. Pour l’occasion, les électeurs devront se familiariser avec un mode de scrutin particulier : le jugement majoritaire.

Après plusieurs semaines de tergiversations, la liste des candidats de la Primaire populaire, qui se tiendra du 27 au 30 janvier 2022, a été présentée, samedi 15 janvier, par les organisateurs. Ils sont sept au total : il y a celles et celui qui se présentent avec enthousiasme – Anna Agueb-Porterie, Charlotte Marchandise, Christiane Taubira et Philippe Larrouturou – et celle et ceux qui se retrouvent embarqués malgré eux – Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon, tous trois ayant déclaré qu’ils seraient candidats à l’élection présidentielle quoi qu’il arrive.

Qu’ils le veuillent ou non, tous seront soumis au vote des électeurs inscrits sur la plateforme – soit plus de 110 000 personnes actuellement. Ces derniers détermineront quel candidat de gauche est le plus légitime à leurs yeux pour se présenter à l’élection présidentielle (10 et 24 avril) en utilisant un mode de scrutin innovant : le jugement majoritaire.

Imaginé au début des années 2000 par deux chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Michel Balinski et Rida Laraki, le « jugement majoritaire » vise à remédier aux effets pervers du mode de scrutin présidentiel actuel.

« Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours que nous utilisons contraint les électeurs à choisir un candidat sans que ce vote ne soit forcément un vote d’adhésion », déplore auprès de France 24 Chloé Ridel, cofondatrice de l’association Mieux Voter, qui milite depuis 2018 pour le jugement majoritaire. « Les électeurs votent par défaut, ou votent contre, ou votent utile. Et ils ne peuvent pas dire ce qu’ils pensent des autres candidats. Résultat : l’abstention et le vote blanc sont en constante augmentation et le gagnant est élu sans recueillir l’adhésion de la majorité de la population », poursuit-elle.

« S’adresser au plus grand nombre »

Les tenants du jugement majoritaire aiment à citer l’exemple de l’élection présidentielle de 2002, marquée par l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour et par l’élimination de Lionel Jospin au premier tour, notamment en raison de la multiplication des candidatures à gauche. Or avec le jugement majoritaire, selon eux, le candidat socialiste l’aurait emporté.

La raison ? Avec un tel système, les électeurs sont invités à exprimer leur avis sur l’ensemble des candidats en leur attribuant une mention. Une méthode qui permet d’apprécier plusieurs candidatures et de les juger avec nuance, sans que celles-ci ne s’annulent.

« Tous les candidats sont évalués indépendamment des autres et, au final, le mieux évalué remporte l’élection, explique Chloé Ridel. De cette façon, il n’y a plus de vote utile, et le vote blanc n’a plus de raison d’être, puisque vous pouvez, si vous le désirez, rejeter tout le monde. Enfin, le jugement majoritaire oblige les candidats à s’adresser au plus grand nombre quand le mode de scrutin actuel incite à la polarisation du débat politique et ne vous oblige à parler qu’à 20 % de l’électorat pour accéder au second tour. »

Les candidatures clivantes sorties du jeu

Dans le cadre de la Primaire populaire, cinq mentions seront proposées : Très bien – Bien – Assez bien – Passable – Insuffisant. Après les votes, la mention majoritaire de chaque candidat est calculée : il s’agit de la mention séparant l’électorat en deux parties égales, appelée la « mention médiane » – et celui avec la meilleure mention remporte l’élection.

Une conséquence de ce mode de scrutin est qu’il élimine presque d’office les candidatures les plus clivantes. Un sondage OpinionWay effectué en décembre a testé les deux modes de scrutin sur les sondés : Éric Zemmour se retrouve en dernière position avec le jugement majoritaire, alors qu’il obtient 12 % des intentions de vote selon le mode de scrutin actuel. À l’inverse, Arnaud Montebourg, crédité de 1 % d’intention de vote remonte à la troisième place grâce au jugement majoritaire, derrière Valérie Pécresse, donnée gagnante, et Emmanuel Macron.

En cas d’égalité, c’est-à-dire si deux candidats obtiennent la même mention, le jugement majoritaire donne raison à l’ensemble d’électeurs le plus important parmi ceux qui pensent que le candidat valait plus, ou moins, que sa mention majoritaire. Ainsi, pour départager Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, qui obtiennent tous deux une mention « passable » dans l’exemple ci-dessous, c’est le bloc d’électeurs jugeant positivement la candidate LR (46 % des votants) qui obtient gain de cause, car plus important que les trois autres blocs (un bloc à 37 % la jugeant négativement, un bloc à 43 % jugeant positivement Emmanuel Macron et un bloc à 43 % le jugeant négativement).

« Le jugement majoritaire peut donner envie aux abstentionnistes de revenir exprimer leurs opinions dans les urnes, assure Chloé Ridel de l’association Mieux Voter. Et d’ailleurs, nous avons été auditionnés à l’Assemblée nationale par la mission d’information sur l’abstention et celle-ci propose dans ses conclusions d’expérimenter le jugement majoritaire pour les consultations menées au niveau local. »

En attendant, le jugement majoritaire fait des émules, petit à petit. Il a ainsi été testé pour la première fois en France en 2016 par LaPrimaire.org, une initiative qui visait à désigner un candidat citoyen à l’élection présidentielle de 2017. Plus de 33 000 électeurs avaient pris part au vote. La République en marche a également utilisé cette méthode en 2019 pour désigner ses représentants locaux. La Ville de Paris y a souscrit en 2021 pour départager les projets de son budget participatif, 106 000 personnes ayant participé au vote. Et avec le test grandeur nature de la Primaire populaire, c’est un nouveau coup de projecteur dont bénéficiera le jugement majoritaire.

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