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Au Liban, la justice démunie face à l’intouchable secret bancaire

Riad Salamé, patron de la Banque du Liban, à Beyrouth, le 11 novembre 2019. HUSSEIN MALLA / AP

Au Liban, pays en pleine débâcle économique, où la monnaie a perdu plus de 90 % de sa valeur, le « parti des banques » ne recule devant rien pour préserver ses secrets. Et les tactiques les plus grossières sont employées pour empêcher la justice de mettre son nez dans les affaires de la nomenklatura politico-financière, responsable de la faillite de l’Etat. La scène, digne d’un mauvais polar, qui s’est déroulée mardi 11 janvier au matin, au siège d’une des plus grandes banques du pays, à Beyrouth, en fournit un exemple.

Jean Tannous, procureur adjoint à la Cour de cassation, qui enquête sur Riad Salamé, le patron de la Banque du Liban (BDL), soupçonné de blanchiment et de détournement de fonds, espérait ce jour-là frapper un grand coup. Six établissements financiers devaient être simultanément perquisitionnés par la police judiciaire.

Cette opération devait permettre de récupérer des relevés des comptes de Raja Salamé, le frère du grand argentier libanais, patron d’une société nommée Forry. Une procédure menée en réponse à une demande d’entraide de la justice helvétique, qui suspecte cette obscure société de courtage, disposant d’un compte en Suisse, d’avoir servi de paravent au siphonnage d’au moins 200 millions de dollars de la BDL.

Entrave à la justice

Pendant l’automne 2021, Jean Tannous a bataillé contre ces banques qui, au nom du secret bancaire, intouchable pilier du Liban moderne, lui refusaient l’accès aux comptes de Raja Salamé. L’un de ces établissements a saisi la hiérarchie du magistrat pour obtenir sa mise à l’écart, au motif qu’il aurait outrepassé ses prérogatives. La Cour de cassation a rejeté cette requête, permettant à Jean Tannous de repartir à l’offensive.

Mais mardi, à peine avait-il posé le pied dans l’une des six banques, que le procureur adjoint a reçu un appel de son supérieur, le procureur général, lui ordonnant d’annuler les perquisitions. Le magistrat est donc reparti bredouille. Selon des médias libanais, le chef du parquet est intervenu à la demande de l’actuel chef du gouvernement, Najib Mikati, un milliardaire actionnaire d’une banque libanaise.

Accusé d’entrave à la justice, l’intéressé a défendu son action au nom de « la nécessité de ne pas saper ce qui reste des piliers économiques et financiers du pays ». « Même lorsque Israël a envahi Beyrouth, [les soldats] n’étaient pas entrés dans les institutions avec des armes de cette manière », a-t-il ajouté, en référence à l’attaque du pays du Cèdre par l’Etat hébreu, en 1982. Pas sûr que ce parallèle ait été du goût des déposants libanais, dont l’épargne ne vaut plus rien.

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