Kenneth Roth est le directeur exécutif de Human Rights Watch (HRW). L’ONG publie, jeudi 13 janvier, son rapport annuel sur la situation des droits humains dans les 110 pays où elle est particulièrement active. Il revient sur la situation des Etats de l’ex-Union soviétique (URSS), trente ans après sa chute.
Comment interprétez-vous les récentes émeutes au Kazakhstan et la répression orchestrée par le président Kassym-Jomart Tokaïev avec le soutien de la Russie de Vladimir Poutine ?
Ces événements s’inscrivent dans deux dynamiques différentes. D’abord, un soulèvement populaire en réaction à l’augmentation des prix du gaz. Cette protestation a très vite exprimé un mécontentement plus large contre le régime autocratique au pouvoir dans ce pays. Puis, en quelques jours, ce phénomène s’est accompagné d’une lutte pour le pouvoir entre les proches du président Tokaïev et ceux de l’ancien dirigeant Noursoultan Nazarbaïev.
Il n’est pas surprenant que le Kremlin se soit montré très attentif à la situation pour éviter toute possibilité de déstabilisation, comme cela a été le cas ailleurs dans la région ces dernières années face à des « révolutions de couleur ». Ainsi, les trois pays de la région qui concentrent les efforts de l’armée russe sont des Etats qui ont connu une sorte de poussée démocratique. Le Kazakhstan entre dans cette catégorie, tout comme la Biélorussie, où le président Alexandre Loukachenko a probablement perdu les élections de 2020 avant de réprimer de façon violente son opposition.
Seule l’Ukraine a pu réaliser son ambition démocratique. A mon avis, c’est d’ailleurs la proximité de la démocratie ukrainienne qui fait peur à Vladimir Poutine, beaucoup plus que la menace de voir un jour ce pays rejoindre l’OTAN. Le durcissement de Moscou s’explique par la crainte de toute forme de changements démocratiques chez elle et chez ses voisins.
A propos de la Biélorussie, que pensez-vous de la tentative, en 2021, d’instrumentaliser les migrants en les faisant venir sur la frontière polonaise ?
Il s’agissait, pour Alexandre Loukachenko, de protester contre les sanctions prises à son encontre par l’Union européenne (UE), mais ce calcul cynique n’a pas fonctionné. Il a dû y renoncer car les migrants massés sur la frontière n’ont pas pu passer vers la Pologne. Le gouvernement polonais a saisi l’occasion pour tenter de détourner l’attention suscitée en Europe par ses propres dérives, comme la réforme contestée de la justice, en brandissant un discours xénophobe.
Dans cette affaire, l’UE a d’ailleurs agi de façon misérable lorsque Varsovie a décidé de refouler ces personnes. Elle a fermé les yeux, un peu comme cela se passe aussi en Grèce. C’est une façon de violer les conventions internationales sur l’asile.
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