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Au Québec, la pandémie révélatrice d’un système de santé exsangue

A Montréal, le 2 janvier 2022. GRAHAM HUGUES / AP

LETTRE DE MONTRÉAL

Le message sonore assourdissant, type Alerte enlèvement, a retenti sur tous les smartphones du Québec le 31 décembre 2021 à 19 heures : « Le couvre-feu démarre ce soir à 22 heures, avec interdiction de sortir de chez vous jusqu’à 5 heures. »

Ce rappel intempestif, qui a cueilli les Québécois se préparant à fêter en solitaire ou dans leur simple bulle familiale le passage à la nouvelle année, n’a pas été du goût de tous. « Ce gouvernement nous parle comme à des enfants », grince Valérie. Cette Montréalaise de 65 ans, dûment vaccinée et peu soupçonnable d’entretenir le front du refus des mesures sanitaires anti-Covid-19, laisse comme beaucoup de ses compatriotes poindre son agacement.

Ce n’est qu’en fin d’après-midi la veille du Jour de l’an que le premier ministre provincial, François Legault (Coalition Avenir Québec, centre droit nationaliste), a annoncé à ses compatriotes son tour de vis avec effet immédiat : interdiction des rassemblements privés, fermeture des restaurants, rentrée scolaire repoussée et nouveau couvre-feu donc, dans l’espoir de contrer la vague Omicron et ses quelque 15 000 nouveaux cas quotidiens en moyenne depuis fin décembre 2021 qui menacent d’embolie le réseau de santé québécois.

L’annonce tardive a laissé les restaurateurs avec des kilos de foie gras sur les bras, et les Québécois inquiets : le précédent couvre-feu décrété le 9 janvier 2021 était censé durer un mois, mais il n’avait été finalement levé que le 28 mai.

Malgré leur docilité à suivre très majoritairement les consignes gouvernementales et leur empressement à se faire vacciner – début janvier, 84,7 % des Québécois avaient reçu au moins une dose –, ils se voient renvoyés à la case départ. Ce n’est plus le « jour de la marmotte » mais « l’année de la marmotte » qu’ils craignent d’endurer.

Le directeur de la santé publique démissionne

Les arcs-en-ciel dessinés aux fenêtres, assortis du slogan d’encouragement « Ça va bien aller », qui avaient fleuri sur les façades des appartements montréalais au déclenchement de la pandémie au printemps 2020, ont été effacés. Comme semble s’éroder la confiance collective qui a longtemps accompagné la gestion de l’épidémie par les pouvoirs publics. Le chef du gouvernement semble jusque-là échapper à la vindicte : à un an des élections provinciales qui le verront remettre son mandat en jeu, François Legault reste populaire, recueillant jusqu’à 46 % d’intentions de vote (Institut Léger).

En revanche, son directeur national de la santé publique, le docteur Horacio Arruda, star de la première vague pour son attitude débonnaire et rassurante, concentrait ces dernières semaines toutes les critiques. La troisième dose de vaccin qui se fait attendre, la pénurie de tests PCR, le manque de masques chirurgicaux réclamés par le personnel soignant, les 20 000 employés de santé infectés et donc absents ou encore les volte-face de dernière minute, c’était lui et encore lui. Lundi 10 janvier dans la soirée, il a annoncé sa démission. Mais le rôle de « fusible » du chef de la santé publique ne saurait occulter l’essentiel : le retour à une vie confinée s’explique largement par un système québécois de soins exsangue, bien avant l’arrivée de la pandémie.

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