La Chine a nommé, lundi, Peng Jingtang à la tête de la garnison militaire chinoise à Hong Kong. Une arrivée très commentée tant ce général, qui a fait ses armes dans le Xinjiang où la minorité des Ouïghours est opprimée, passe pour un homme à poigne.
La police armée du peuple entre en scène. Pékin a nommé, lundi 10 janvier, un nouveau chef à la tête de la garnison de Hong Kong. Pour la première fois, elle sera dirigée par un responsable issu de la police armée du peuple, une très active et méconnue force paramilitaire chinoise, et non pas de l’Armée de libération du peuple.
Le général de division Peng Jingtang a promis « d’assurer la sécurité et de maintenir la stabilité » de Hong Kong en prenant ses fonctions, a rapporté Xinhua, la principale agence de presse chinoise.
L’arrivée de ce « grand flic » chinois a été suivie de très près à cause du contexte de cette nomination et du pédigrée très particulier de Peng Jingtang.
Chef d’un commando d’élite anti-terroriste au Xinjiang
Avant de faire irruption sur la scène hongkongaise, il dirigeait les opérations de la police armée du peuple dans la région très instable du Xinjiang, où vit la minorité musulmane opprimée des Ouïghours.
Peu connue du grand public en dehors de la Chine, la police armée du peuple est considérée comme le bras armée du Parti communiste chinois. Cette force comprenant environ un million d’hommes et dotée d’une budget annuel de 19 milliards d’euros est placée sous l’autorité directe de Xi Jinping. Elle est chargée de sécuriser les côtes, de servir d’armée d’appoint en cas de conflit et d’assurer la sécurité intérieure en luttant contre les mouvements séparatistes et le terrorisme.
C’est au nom de ce troisième impératif que Peng Jingtang a été dépêché en 2018 dans le Xinjiang, lorsque le régime chinois a décidé d’intensifier sa politique de répression contre les Ouïghours.
Une affectation qui a en fait l’homme le plus important ou presque de la police armée du peuple sur le terrain. C’est en effet au Xinjiang que se trouve le plus de détachements de ces forces paramilitaires – sept- , même si le chef des quatre contingents déployés à Pékin a un « rôle politiquement plus important » puisqu’il s’agit de sécuriser la capitale, note Joel Wuthnow, un expert américain de l’armée chinoise, dans une note consacrée au rôle de la police armée du peuple, publiée en 2019.
The joint drill « Cooperation-2019, » held by the Chinese People’s Armed Police Force (PAP) and the National Guard of Kyrgyzstan, concluded Tuesday in Urumqi, capital of northwest China’s Xinjiang Uygur Autonomous Region. pic.twitter.com/wtPqOnhKML
— CCTV (@CCTV) August 14, 2019
Peng Jingtang a aussi dirigé, en 2019, le premier exercice de ces paramilitaires avec des forces étrangères. Il a coordonné un entrainement commun avec la police antiterroriste du Kyrgyzstan à Urumqi, la capitale du Xinjiang. Un épisode qui a pu être perçu comme le premier pas de la police armée du peuple vers des possibles déploiements à l’étranger. « L’un des buts de Xi Jinping serait d’utiliser ces hommes pour assurer la sécurité des ressortissants chinois dans les pays traversés par les ‘nouvelles Routes de la soie’ », souligne Joel Wuthnow.
C’est à l’occasion de cet exercice commun que Peng Jingtang a aussi dévoilé ses Mountain Eagle Commandos (Commando des aigles de montagne), une troupe d’élite constituée d’environ 150 hommes entraînés spécialement pour les interventions rapides contre les menaces terroristes. « Dirigée par Peng Jingtang, elle a souvent été déployée sur le terrain », souligne le South China Morning Post.
Les bavures de la police armée du peuple
Les Mountain Eagle Commandos et la police armée du peuple en général « a été particulièrement active pour pourchasser les ‘insurgés’ dans le Xianjing où ces paramilitaires n’ont pas laissé un bon souvenir aux populations locales », souligne le magazine Foreign Policy.
Plus généralement, cette force aux ordres du PCC « n’est pas très bien vue par la majorité des Chinois, qui craignent sa brutalité et le droit qu’elle s’arroge d’interpeller arbitrairement les gens », souligne Bonnie Girard, président du cabinet américain d’analyse China Channel LTD, dans un article d’opinion publié par le site The Diplomat.
Depuis sa création au début des années 1980, cette force a été impliquée dans de nombreux incidents violents à travers toute la Chine. En 2005, plus de vingt personnes sont décédées lors d’affrontements avec ces paramilitaires qui étaient intervenus pour mettre un terme à un soulèvement dans la province du Guangdong. Une vaste réforme de 2018 menée par Xi Jinping a eu pour but de rendre cette police paramilitaire plus professionnelle afin d’éviter ce genre d’incidents « qui ont eu pour conséquence d’attirer l’attention internationale », souligne Joel Wuthnow, l’expert américain de l’armée chinoise.
Pas étonnant dans ces conditions que l’arrivée de l’un des plus hauts responsables de cette controversée force armée suscite l’inquiétude à Hong Kong. « Cela peut apparaître comme une manière pour Pékin de renforcer l’appareil sécuritaire sur place », souligne Eric Yan-Ho Lai, spécialiste des questions de politique et droit de l’Homme à Hong Kong Georgetown Center for Asian Law, contacté par France 24.
Retraite dorée ou reprise en main par Pékin ?
Fort de son expérience pour mater les « menaces terroristes », Peng Jingtang prend, en effet, la tête d’un contingent d’environ 6 000 soldats chinois du continent stationnés à Hong Kong. Son « savoir-faire » semble parfaitement adapté à l’application de la nouvelle loi de sécurité nationale, adoptée suite aux manifestations de 2019, qui permet de poursuivre quiconque constitue « une menace terroriste » aux yeux de Pékin. « Les autorités chinoises ont depuis un an à plusieurs reprises comparés des activistes à Hong Kong à des loups solitaires susceptibles d’actes terroristes », rappelle Eric Yan-Ho Lai.
Les plus optimistes cherchent cependant à minimiser cette nomination en rappelant que la garnison chinoise à Hong Kong « n’a qu’un rôle très limité et le maintien de l’ordre public est du ressort exclusif de la police locale », rappelle Timothy Summer, chercheur au Centre des études chinoises à l’université chinoise de Hong Kong, contacté par France 24. La raison d’être de ces soldats venus du continent « est uniquement d’assurer la défense de Hong Kong à l’égard des menaces extérieures », précise Lau Siu-kai, vice-directeur de l’Association chinoise des études sur Hong Kong et Macau, interrogé par le South China Morning Post.
Dans cette hypothèse, la nomination de Peng Jingtang serait une sorte de retraite dorée. En récompense de ses bons et loyaux services dans le Xinjiang, ce général de division obtient un poste médiatiquement prestigieux qui n’exigerait pas trop d’efforts.
Il n’empêche que cette garnison a commencé, petit à petit, à jouer un rôle plus actif dans le maintien de l’ordre dans la cité. Après les manifestations de 2019, certains de ces soldats ont prêté main forte aux policiers locaux pour « nettoyer les rues », souligne le South China Morning Post.
Pékin a aussi envoyé à cette garnison « des armes et des équipement antiterroriste et anti-émeutes qui ont été transférés à des réserves de la police armée du peuple », souligne Andrei Chang, le directeur du Kanwa Asian Defence, un magazine canadien spécialisé dans les questions militaires chinoises.
« C’est une nomination très symbolique en ce qu’elle renforce encore le parallèle que Pékin cherche à établir entre la situation dans le Xinjiang et à Hong Kong. Ainsi, des responsables de Hong Kong ont été envoyés au Xinjiang pour ‘apprendre’ les techniques utilisées sur place pour maintenir l’ordre », souligne Eric Yan-Ho Lai.
Ce serait d’autant plus important que Xi Jinping veut que le calme absolu règne sur Hong Kong cette année. Les élections pour désigner le nouveau chef exécutif de ce territoire doivent se dérouler en mars. Plus important encore, le président chinois espère qu’en octobre, il sera reconduit pour un troisième mandat à l’occasion du très attendu XXe Congrès du PCC.
Alors, peut-être que Peng Jingtang n’est pas arrivé à Hong Kong avec comme mission de reprendre le contrôle policier de la ville, mais Xi Jinping dispose au moins d’un homme à poigne sur place au cas où…
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