Platon n’a sans doute pas tout inventé dans son évocation de l’Atlantide dans deux de ses ouvrages. Depuis la mise au jour, à partir de la fin des années 1960, de la cité antique d’Akrotiri, ensevelie sous des tonnes de cendres au sud de Santorin, il est devenu certain que cette île grecque de la mer Egée avait été déchirée, à l’âge du bronze, par une éruption volcanique considérée comme l’une des plus violentes de l’histoire.
Cette éruption de type plinien, analogue à celle du Vésuve qui ensevelit Pompéi, provoqua énormément de projections de cendres et de pierres ponces lointaines, dont les archéologues continuent de trouver trace dans toute la zone méditerranéenne. Le cataclysme fut tel qu’il signa l’effondrement progressif de la civilisation minoenne apparue vers 3 100 avant J.-C., en Crète, à une centaine de kilomètres au sud de Santorin.
Cette civilisation s’était épanouie en Egée en partie grâce à sa domination maritime. Mais ses flottes furent fracassées dans les ports et plusieurs cités littorales furent dévastées, comme Palékastro, dans l’est de la Crète, où des chercheurs avaient déjà avancé, il y a une douzaine d’années, l’hypothèse d’un tsunami en deux énormes vagues.
Quatre raz de marée
Bizarrement, aucune victime de ces désastres n’avait pu être exhumée jusqu’à présent, pas même à Akrotiri : les experts pensaient que des tremblements de terre précédant l’éruption avaient fait fuir sa population vers d’autres îles ou que le volcan avait « carbonisé » ses habitants.
Dans ce contexte, l’article publié, le 30 décembre 2021, dans la revue scientifique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), apporte d’importants éléments nouveaux. Ses principaux signataires – Vasif Sahoglu, professeur d’archéologie à l’université d’Ankara (Turquie), et Beverly Goodman Tchernov, qui dirige le département de géosciences marines de l’université de Haïfa en Israël – affirment avoir démontré que l’éruption de Théra (l’ancien nom de Santorin) a eu de graves conséquences non seulement en Crète, mais aussi à 200 kilomètres au nord-est du volcan, près de Tchesmé (Çesme, en turc), sur la côte turque de la mer Egée, à environ 70 kilomètres à l’ouest d’Izmir.
Vue du site et des fouilles de Tchesmé. SAHOGLU ET AL 2022
Fouillé à partir de 2009, ce site, occupé depuis le troisième millénaire avant J.-C., comportait plusieurs bâtiments, des routes ainsi que des traces d’influence minoenne, à travers les poteries retrouvées notamment. Les chercheurs ont d’abord découvert « une couche de cendres volcaniques bien conservées et un horizon de destruction chaotique composé de dépôts stratifiés ». Dans le cadre d’une collaboration interdisciplinaire avec une douzaine d’experts turcs, israéliens et autrichiens, ils ont réalisé des analyses archéologiques et sédimentologiques (spectroscopie en fluorescence X, analyse par activation neutronique instrumentale, granulométrie, micropaléontologie et datation au radiocarbone). Leur conclusion est qu’au moins quatre raz de marée ont dévasté le site.
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