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« L’Afrique entre dans une stratégie chinoise d’encerclement du Nord par le Sud »

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Le président chinois, Xi jinping, apparaît sur l’écran géant d’un centre commercial, à Pékin, lors de l’ouverture du Forum sur la coopération sino-africaine à Dakar, le 30 novembre 2021. NOEL CELIS / AFP

Jean-Pierre Cabestan est sinologue, directeur de recherche au CNRS et chercheur associé à l’Asia Centre à Paris. Auteur d’une douzaine d’ouvrages sur la Chine, dont le plus récent est Demain la Chine : guerre ou paix ? (Gallimard, 2020), il s’est spécialisé depuis une dizaine d’années sur l’essor de la présence chinoise en Afrique.

Le dernier Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), qui s’est tenu à Dakar fin novembre, semble avoir marqué une inflexion de la relation sino-africaine avec un engagement financier plus prudent de la part de Pékin. Est-on passé à une nouvelle phase de la Chine-Afrique ?

Il y a beaucoup d’éléments de continuité avec les deux précédents sommets, notamment l’accent mis sur la coopération éducationnelle, culturelle et sécuritaire. Mais il est vrai qu’il y a un ajustement. Tout le monde a noté la réduction de l’enveloppe financière, liée à une prise de conscience de la question de la dette de plus en plus importante des pays africains à l’égard de la Chine. C’est une manière, pour Pékin, de réagir aux critiques formulées par les Africains et les membres du G-20 qui sont en train de rééchelonner les dettes des pays en développement. Mais cet ajustement s’inscrit également, d’une manière plus générale, dans la révision à la baisse des fonds alloués aux « routes de la soie ».

La question de la dette africaine à l’égard de la Chine est source de controverses. Pensez-vous qu’il s’agisse d’un « piège », notion que récusent certains spécialistes de la Chine-Afrique ?

Le sujet n’est pas la dette en soi, car les bailleurs de fonds ne sont pas toujours principalement chinois. Le vrai problème, c’est l’approfondissement de la relation asymétrique entre la Chine et les pays africains aux économies modestes. Ces derniers sont dans un état de dépendance multiforme, qui n’est pas seulement liée à la dette mais à une présence économique chinoise de plus en plus forte.

Cette dépendance n’a-t-elle pas aussi pris une forme diplomatique ?

Oui, et d’autant plus que la pandémie du Covid-19 a permis à la Chine d’avancer ses pions, notamment dans les pays du Sud. En Afrique, on voit bien dans les communiqués publiés dans le cadre du Focac le recours à des formulations chinoises, sur les droits de l’homme, sur Hongkong, sur la question des Ouïgours au Xinjiang, sur la gouvernance. Il y a un vrai déficit d’expertise sur la Chine en Afrique et c’est un gros problème. Les dirigeants africains ne savent souvent pas où ils mettent les pieds ni à qui ils parlent. Ils ne réalisent pas toujours qu’ils ont affaire à un régime léniniste très organisé pour imposer son discours aux autres. Même dans des pays a priori bien équipés, comme l’Afrique du Sud, les voix un peu trop critiques ont été écartées.

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