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Face à la Russie, reprendre l’initiative

Editorial du « Monde ». C’est un euphémisme : la semaine d’entretiens entre Moscou et les Occidentaux qui vient de s’ouvrir à Genève ne commence pas sous les meilleurs auspices. Le principal négociateur russe, Sergueï Riabkov, ministre adjoint des affaires étrangères, a multiplié les prises de position intransigeantes en amont et averti que la Russie ne ferait « aucune concession sous la pression ».

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a déclaré ne pas espérer une quelconque percée et attend de voir si Moscou choisit « la voie de la diplomatie » ou « celle de l’affrontement ». Quant au secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, il dit préparer son organisation à un « nouveau conflit armé en Europe » en cas d’échec des négociations.

Soyons clairs : s’il y a pression, c’est de la Russie qu’elle vient. Après avoir massé, début novembre, plusieurs dizaines de milliers de soldats armés d’équipements lourds sur la frontière ukrainienne pour faire peser sur Kiev la menace d’une nouvelle intervention, le président Vladimir Poutine a exigé un entretien en visioconférence avec le président Joe Biden, qui a eu lieu le 7 décembre 2021, puis l’ouverture de discussions bilatérales.

M. Poutine prétend que ces pourparlers se tiennent sur la base de ses propres propositions ; elles consistent en deux projets de traités, aux termes desquels l’OTAN s’engagerait à ne plus accepter aucun nouveau membre et les Occidentaux renonceraient à toute activité militaire en Europe de l’Est et en Asie centrale.

Ces propositions, qui font fi du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de leurs alliances, sont inacceptables, et M. Poutine le sait. C’est ce qu’a commencé par dire dimanche soir 9 janvier Wendy Sherman, la numéro deux du département d’Etat, à M. Riabkov qu’elle a retrouvé pour dîner à Genève, à la veille de l’ouverture formelle du dialogue bilatéral de stabilité stratégique lundi. Ces entretiens seront suivis mercredi d’une rencontre Russie-OTAN à Bruxelles puis, jeudi, d’une autre réunion dans le cadre de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) à Vienne.

Présenter un front allié uni

Que Moscou souhaite discuter d’une nouvelle architecture de la sécurité en Europe n’est pas absurde en soi. Celle héritée de la guerre froide est en partie obsolète. La disparition de l’URSS et du Pacte de Varsovie, l’élargissement de l’OTAN et de l’UE, la naissance d’organisations de sécurité autour de la Russie et de la Chine, l’évolution technologique dans le domaine militaire, la caducité de certains traités justifient de nouvelles discussions.

Certains Européens, dont la France, sont demandeurs d’un tel dialogue. Mais, outre que Moscou ne veut pas d’eux comme interlocuteurs, dialoguer avec un revolver sur la tempe n’est pas la meilleure manière de procéder. S’il est sérieux, M. Poutine, dont le pays est clairement l’agresseur depuis 2014 en Ukraine, doit commencer par retirer ses troupes positionnées sur la frontière ukrainienne. Les Etats-Unis lèveraient alors leur menace de « sanctions massives ».

Les Européens ont raison de revendiquer une place à la table des négociations sur des sujets qui les concernent tous. Pour que cette revendication soit crédible, ils doivent surmonter leurs divisions, en particulier au sein de l’Union européenne, et formuler leurs propres propositions, en concertation avec les Etats-Unis. Reprendre l’initiative face à Moscou, présenter un front allié uni et faire preuve de fermeté : ce sont les conditions pour que cette semaine de tensions ne tourne pas au désastre.

Le Monde

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