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Des responsables du Mouvement démocratique et social (MDS), de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) et du Parti socialiste des travailleurs (PST) lors d’une conférence de presse à ALger, en juillet 2021. RYAD KRAMDI / AFP
Au juge qui l’interrogeait sur sa volonté de « changer le régime », il avait rétorqué qu’« en démocratie, le combat politique se déroule dans l’espace public et c’est le peuple qui tranche ». « Je suis le coordinateur d’un parti politique, avait-il ajouté. Cette qualité, je la garde même dans ma cellule. »
Jugé le 26 décembre 2021, Fethi Ghares, membre du Mouvement démocratique et social (MDS), une formation de gauche laïque qui s’était engagée en 2019 dans les manifestations antirégime du Hirak, a été condamné à deux ans de prison ferme, dimanche 9 janvier. Ce verdict prononcé à l’encontre du responsable d’un parti légal et agréé par les autorités marque une nouvelle escalade dans la répression en Algérie, s’inquiètent opposants et avocats.
Le porte-parole du MDS avait été arrêté le 30 juin. Placé en détention, il était poursuivi pour « atteinte à la personne du président de la République », « outrage à corps constitué », « diffusion au public de publications pouvant porter atteinte à l’intérêt national », « diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’unité nationale » et « diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’ordre public ». Des accusations qui reposent sur les publications de M. Gheras sur le réseau social Facebook et des échanges privés extraits de son téléphone. Le procureur avait requis trois ans de prison, sans prendre la peine de plaider.
Le « sultan » et le « pyromane »
« Fethi Ghares a contredit le sultan », remarquait l’un de ses défenseurs pendant l’audience du 26 décembre, rappelant le soutien de l’opposant à un journaliste que le président Abdelmadjid Tebboune avait publiquement qualifié de « pyromane ». Détenu pendant six mois, Rabah Karèche, du quotidien Liberté, avait été inculpé après avoir rendu compte d’un mouvement de protestation dans le sud algérien.
« En ciblant Fethi Ghares, le pouvoir cherche aussi à interdire toute possibilité d’articuler luttes politiques et sociales », estime Yacine Teguia, membre de la direction du MDS. « Il n’est pas le seul. D’autres militants ont été lourdement condamnés, je pense notamment au président de l’association SOS Bab el-Oued, Nacer Meghnine », ajoute-t-il en référence au sort réservé à l’animateur d’une organisation culturelle créée dans les années 1990 et très active dans ce quartier populaire de l’ouest d’Alger : en septembre, Nacer Meghnine a été condamné à huit mois de prison ferme pour, entre autres accusations, sa « participation à des délits qui portent atteinte à l’intérêt national et à l’unité nationale ».
« Le MDS subit la répression depuis des années. Le comportement du pouvoir actuel est dans la droite ligne de l’époque d’Abdelaziz Bouteflika, quand les arrestations et les poursuites judiciaires nous visant ont été nombreuses et que des militants de notre mouvement ont connu la prison, rappelle M. Teguia. Ces persécutions judiciaires se manifestaient déjà par l’interdiction de nos activités politiques. La situation actuelle révèle un nouveau calcul du pouvoir : la volonté de s’attaquer à l’un des courants qui ont émergé du Hirak. »
Des partis menacés de dissolution
D’autres partis de l’opposition sont ainsi menacés par les autorités. Ils partagent avec le MDS un soutien aux détenus d’opinion et leur appartenance au Pacte de l’alternance démocratique (PAD), un regroupement d’organisations du camp démocrate qui a été créé en juin 2019 avec l’ambition de construire une alternative politique. « Fethi Ghares y joue un rôle éminent. C’est le regroupement des forces progressistes qui est aujourd’hui visé », poursuit M. Teguia.
Dans le collimateur des autorités notamment, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), mis en demeure par le ministère de l’intérieur de ne plus ouvrir ses locaux au mouvement associatif. Le RCD est l’un des premiers partis d’opposition créés au lendemain de l’ouverture politique qui avait suivi les émeutes d’octobre 1988. Il risque une dissolution, tout comme l’Union pour le changement et le progrès (UCP) et le Parti socialiste des travailleurs (PST), également membres du PAD.
Plus de 200 personnes sont actuellement derrière les barreaux en Algérie pour des faits en lien avec le Hirak, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
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