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Il y a quinze ans, Steve Jobs mettait les téléphones à clavier sur la touche

Le 9 janvier 2007, Steve Jobs, PDG d’Apple, présentait l’iPhone. L’arrivée du premier modèle des futurs best-seller du groupe de Cupertino va mettre à mal les mastodontes de l’époque. Pour ceux du secteur qui n’arriveront pas à s’adapter, le lancement du « smartphone » à la pomme sera fatal.

La première fois que Guillaume Gète, consultant indépendant Apple a vu l’iPhone, il n’y a pas cru, comme tout le monde : « Quand on est sorti de la présentation de l’iPhone, en janvier 2007, personne n’y croyait, ça paraissait trop beau. Mais quelques mois plus tard, ce qu’on a eu entre les mains n’était pas un concept bourré de défauts, c’était fonctionnel. Et ça, c’est rare dans l’industrie. »

Quand Steve Jobs présente l’iPhone, le 9 janvier 2007, il y a quinze ans, l’objet ne fait pourtant pas trembler la concurrence. À l’époque, les maîtres de la téléphonie mobile s’appelaient Nokia, Motorola et BlackBerry. C’étaient des fabricants tournés vers l’entreprise : leurs téléphones étaient optimisés pour des usages professionnels. « BlackBerry dominait le marché, avec ses téléphones à clavier complet qui permettait d’écrire ses mails, qui étaient connectés à la 3G… Tout le monde voulait son Blackberry dans les entreprises. Il y avait encore des téléphones à clapet, comme le Razr de Motorola. Et pleins d’autres entreprises dont on entend plus trop parler aujourd’hui », sourit Guillaume Gète.

Un logiciel, un matériel

L’annonce de l’iPhone fait pourtant doucement rigoler les autres entreprises du secteur, de BlackBerry à Nokia, en passant par Microsoft, décrit le consultant Apple : « Steve Ballmer, le président de Microsoft à l’époque, considère qu’un téléphone à 500 dollars et qui n’a pas les fonctionnalités pour l’entreprise, c’est ridicule. Or, ça n’a pas été un raz-de-marée dès le départ, mais petit à petit, Apple a ajouté des fonctionnalités plus tournées vers l’entreprise, grignotant des parts de marché de plus en plus importantes. »

C’est là la force principale d’Apple : se réserver le droit de faire des choix dans le temps, viser la souplesse. Lorsqu’il présente son iPhone, Steve Jobs ne présente pas seulement une jolie carcasse. Le système d’exploitation qui fait tourner la machine est iPhone OS, futur IOS, basé sur les logiciels développés pour les Mac, avec une surcouche adaptée au format smartphone. « La réussite de l’iPhone s’explique par le fait que ce n’est pas le matériel d’un côté et le logiciel de l’autre, c’est une combinaison du logiciel et du matériel pour faire un produit vraiment innovant », résume Guillaume Gète.

Steve Jobs, PDG d’Apple, présente le contenu du logiciel de l’iPhone lors de son discours d’ouverture à la MacWorld Conference & Expo de San Francisco, mardi 9 janvier 2007. ASSOCIATED PRESS – PAUL SAKUMA

C’est la philosophie d’Apple qui fera son succès et laissera ceux qui n’ont pas su s’adapter sur le banc. À part Google, qui avait une maîtrise suffisamment solide des logiciels, aucun concurrent n’avait les moyens, le temps ou la volonté d’investir totalement et dans le matériel, et dans le logiciel. En ayant la main sur tous les composants de son produit final, du processeur (dès l’iPhone 4) au terminal en passant par le logiciel, Apple s’assure un produit homogène et évolutif. Guillaume Gète considère que c’est ce qui permet à la firme de tirer son épingle du jeu : « L’iPhone original n’était pas parfait, il n’était pas en 3G à l’époque, il y avait des manques, mais ils les ont comblés petit à petit via leurs mises-à-jour ou de nouveaux modèles. » En face, les concurrents vendaient des produits qui n’étaient pas mis à jour – ou en tout cas pas autant qu’un iPhone – et qui restaient donc figés dans leur version d’origine. Ils corrigeaient, mais n’amélioraient pas. L’iPhone 2G, lui, bénéficiera des mêmes améliorations logicielles que l’iPhone 3G, un an plus tard. 

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Le public visé par Apple avec son iPhone à 500 dollars est également à l’opposé de ceux que visent des géants de l’époque en matière de produit premium. Tout le monde développait des smartphones premium à destination des entreprises : Apple va développer pour le grand public, avec des applications ludiques, et des fonctionnalités basiques, avant d’élargir, via ses mises à jour et ses nouvelles versions, à l’entreprise. Une approche risquée, mais qui paiera sur le long terme.

L’écran tactile, le coup de grâce

En plus du système d’exploitation, c’est l’écran tactile de l’iPhone qui va définitivement enterrer le monde du téléphone d’avant 2007. Le premier smartphone de l’Histoire, relié à internet et tactile, était l’IBM Simon… en 1992. Mais l’écran tactile était alors plus gadget que réellement novateur, et il est mis de côté, jusqu’en janvier 2007. « L’écran présenté par Steve Jobs avait la capacité multipoints qui permettait d’utiliser plusieurs doigts simultanément : ça nous paraît normal aujourd’hui, mais à l’époque, pouvoir juste zoomer sur une image en écartant deux doigts, c’était quelque chose de révolutionnaire », rappelle Guillaume Gète.

Dans cette photo d’archive du 5 août 2010, un homme utilise son BlackBerry à Ahmadabad, en Inde. ASSOCIATED PRESS – Ajit Solanki

Samsung, Google et quelques autres sentent le vent tourner et suivent la tendance. Les premiers écrans tactiles concurrents apparaissent en 2008. BlackBerry tente l’aventure avec son BlackBerry Storm, mais il est trop tard : Apple a déjà pris une longueur d’avance technologique qui sera impossible à rattraper pour beaucoup de constructeurs. Déjà, l’iPhone 3G corrige quelques défauts de son prédécesseur, en intégrant la 3G et le copié-collé, et développe de nouvelles fonctionnalités, comme le mode paysage. Comme BlackBerry, Nokia tentera plusieurs fois de revenir sur le marché sans y parvenir, Sony Ericsson lâchera l’affaire… et qui aujourd’hui se souvient encore des téléphones Palm, pourtant concurrents de l’iPhone à sa sortie ?

Comme un hasard du calendrier, le 4 janvier dernier, cinq jours avant que l’iPhone ne souffle ses quinze bougies, BlackBerry a cessé de faire tourner BlackBerry OS, rendant de facto caduque une grande partie de ses terminaux encore en circulation. Des 20% de parts de marché en 2009, BlackBerry ne vend quasiment plus de smartphones… quand l’iPhone représente 15% des parts de marché, malgré un secteur plus concurrentiel qu’avant.

Au final, seule l’entreprise Samsung réussira à s’adapter rapidement à la logique des smartphones. Aujourd’hui leader du marché, l’entreprise coréenne doit beaucoup à l’inspiration que lui a fourni Apple en 2007. Google, en rachetant puis développant son système d’exploitation Android, unifiera en 15 ans plus de 2 milliards de téléphones sous une même sous-couche logicielle. De nombreux fabricants profiteront d’Android pour éviter le coût de développement d’un système d’exploitation natif qui aurait fait exploser leurs coûts de production… permettant ainsi l’émergence des concurrents moins fragiles face à l’iPhone. Déjà, en 2010, un certain constructeur nommé Huawei sortait son premier smartphone en France. 

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