Publié le : 08/01/2022 – 07:12
Le gouvernement éthiopien a annoncé l’amnistie et la libération de plusieurs personnalités politiques incarcérées, dont des dirigeants de l’opposition et du TPLF, parti de la région septentrionale du Tigré devenu groupe rebelle.
Le gouvernement éthiopien a décidé, vendredi 7 janvier, de libérer plusieurs figures de l’opposition et dit vouloir engager un dialogue avec ses adversaires politiques, après 14 mois de conflit avec le Tigré et des milliers d’arrestations.
Cette annonce surprise intervient après un appel à « la réconciliation nationale », lancé plus tôt vendredi à l’occasion de la célébration du Noël orthodoxe par le Premier ministre Abiy Ahmed, dont le pays est déchiré depuis 14 mois par un conflit entre le gouvernement fédéral et les rebelles du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF).
L’objectif de l’amnistie « est d’ouvrir la voie à une solution durable aux problèmes de l’Ethiopie, de façon pacifique et non violente », selon le communiqué du gouvernement. « La clé d’une unité durable est le dialogue. L’Éthiopie fera tous les sacrifices à cette fin », selon le texte où sont énumérés les noms de plusieurs dirigeants de l’opposition, mais aussi de membres importants du TPLF.
Le TPLF, parti qui a dirigé de fait l’Éthiopie durant près de 30 ans, a pris les armes depuis que le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé en novembre 2020 l’armée fédérale au Tigré pour en destituer les autorités régionales – issues du TPLF – qui contestaient son autorité et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires.
Il n’est pas clair dans l’immédiat combien des détenus concernés ont déjà été libérées. Néanmoins, le parti d’opposition Balderas a annoncé la libération de son fondateur Eskinder Nega, une figure de l’opposition, dont le nom figure dans la liste des personnes amnistiées.
Plusieurs personnalités amnistiées
Le parti a posté sur Facebook une photo de Eskinder Nega et de l’un de ses codétenus, poings levés, devant la prison de haute sécurité de Kality, à Addis Abeba, où ils étaient incarcérés.
Dans la liste des personnalités amnistiées figure aussi l’ancien magnat des médias Jawar Mohammed, membre du Congrès fédéraliste oromo. Ancien allié de Abiy Ahmed – lui-même oromo, l’ethnie la plus nombreuse du pays – Jawar Mohammed était devenu un de ses plus farouches détracteurs.
Comme Eskinder Nega, Jawar Mohmmaed avait été arrêté en juillet 2020 avec d’autres figures de l’opposition, après une flambée de violences déclenchée par le meurtre par balles à Addis Abeba le mois précédent d’un très populaire chanteur, Hachalu Hundessa, porte-drapeau de l’ethnie oromo.
Ces manifestations et violences avaient fait 239 morts en quelques jours, sur fond de tensions et de ressentiments ethniques.
Parmi les responsables du TPLF cités dans le communiqué du gouvernement figurent Sibhat Nega – un des fondateurs du parti – Kidusan Nega, Abay Woldu, Abadi Zemu (ancien ambassadeur au Soudan) et Mulu Gebregziabher.
Le conflit au Tigré, peuplé de six millions d’habitants, a fait des milliers de morts et la région, soumise à ce que les Nations unies qualifient de « blocus de facto » de l’aide humanitaire, manque de nourriture et de médicaments.
Cette amnistie coïncide aussi avec une mission en Éthiopie de l’Envoyé spécial américain pour la Corne de l’Afrique, Jeffrey Feltman, qui essaie d’encourager des pourparlers de paix entre le gouvernement et le TPLF.
Des libérations saluées par le chef de l’ONU
Ce conflit dans le deuxième pays le plus peuplé du continent menace de déstabiliser toute la Corne de l’Afrique. Jeffrey Feltman – qui a démissionné cette semaine de son poste – a eu des « discussions riches et constructives » avec Abiy Ahmed à Addis, a indiqué jeudi à la presse le porte-parole du département d’Etat américain Ned Price.
Les États-Unis vont oeuvrer à ce que « tout élan positif tiré de ces discussions puisse se concrétiser », a-t-il indiqué.
Sur Twitter, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a salué cette amnistie. « Je reste activement engagé à aider l’Éthiopie à mettre fin aux combats et à rétablir la paix et la stabilité, a-t-il ajouté.
I welcome today’s release from prison in Ethiopia of numerous detainees including key opposition figures.
I will remain actively engaged in assisting Ethiopia to bring an end to the fighting and to restore peace and stability.https://t.co/lexc70gjXR
— António Guterres (@antonioguterres) January 7, 2022
Abiy Ahmed avait proclamé rapidement la victoire au Tigré fin 2020, mais une contre-offensive du TPLF a permis aux rebelles tigréens de reconquérir fin juin dernier l’essentiel de la région et de progresser dans celles voisines de l’Amhara et de l’Afar.
Les rebelles ont affirmé en novembre être arrivés à 200 km d’Addis Abeba, poussant plusieurs pays à appeler leurs citoyens à quitter le pays.
Fin décembre, le TPLF a annoncé se retirer au Tigré après que l’armée fédérale eut repris plusieurs localités stratégiques sur la route menant à la capitale, dont Lalibela, site historique et touristique connu pour ses églises taillées dans la roche et inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco.
Avec AFP et Reuters
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