Douze avions militaires de transport russes Il-76 et AN-124 ont atterri, vendredi 7 janvier, sur l’aéroport d’Almaty, la capitale économique du Kazakhstan au cœur des émeutes qui ébranlent depuis plusieurs jours le pays. Sous le commandement du général Andreï Serdioukov, qui a dirigé des opérations aéroportées en Syrie, ce contingent de près de 3 000 soldats est chargé de « protéger les installations vitales, les aérodromes et les infrastructures sociales-clés ». Ils « ne participent pas aux opérations opérationnelles et de combat menées par les forces de l’ordre locales et les unités de l’armée [kazakhe] pour rétablir l’ordre public », a tenu à préciser le ministère russe de la défense.
La célérité avec laquelle le président kazakh, Kassym-Jomart Tokaïev, a fait appel à Moscou, quelques heures à peine après que les manifestations, provoquées par la hausse du prix des carburants le 1er janvier, ont commencé à dégénérer, a surpris. La saisine officielle de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire qui unit depuis 2002, outre la Russie et le Kazakhstan, l’Arménie, la Biélorussie, le Kirghizistan et le Tadjikistan, a servi de paravent. Le déploiement massif de troupes russes est en effet sans commune mesure avec les quelques dizaines de militaires dépêchés par les autres Etats. Et l’intervention de l’OTSC constitue bel et bien une première s’agissant, qui plus est, des affaires intérieures de l’un de ses membres.
Pour légitimer sa demande, M. Tokaïev a imputé les troubles, dès mercredi 5 janvier, à des « groupes terroristes internationaux », après avoir cité quelques instants auparavant le chiffre de « 20 000 criminels armés » dans la seule ville d’Almaty, ce qui semble beaucoup pour une opération « terroriste ». Au risque d’apparaître comme celui qui a permis le retour des soldats russes sur le territoire kazakh, trente ans après l’indépendance de cette ex-République soviétique, le chef de l’Etat a-t-il surtout douté de la loyauté de son appareil de sécurité ? Malgré la coupure de l’Internet intervenue alors que le mouvement s’étendait à plusieurs régions, en revendiquant de plus en plus fort un changement de régime, des vidéos sont apparues montrant parfois des scènes de fraternisation entre les forces de sécurité et des manifestants. Parmi ces derniers, plus de 3 800 auraient déjà été arrêtés.
Un partenaire soucieux de sa souveraineté
Au pouvoir depuis 2019, Kassym-Jomart Tokaïev, 68 ans, n’a rien d’un conciliateur, comme l’ont prouvé ses déclarations martiales donnant encore pour consigne aux policiers et militaires, vendredi, « de tirer pour tuer », et de poursuivre les opérations « jusqu’à la destruction totale [des manifestants] ». Austère – il a confié un jour qu’il ne célébrait ni ses anniversaires, ni ceux de ses enfants –, peu porté à laisser ses émotions affleurer sur son visage, le dirigeant du plus vaste pays d’Asie centrale apparaît avant tout comme l’héritier d’un système politique verrouillé depuis plus de trente ans par Noursoultan Narzabaïev. Agé aujourd’hui de 81 ans, affaibli par la maladie, ce dernier a régné sans partage depuis 1990 en se faisant réélire à cinq reprises à la tête de l’Etat, quitte à modifier pour cela la Constitution.
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