Derrière le sort de l’Ukraine, c’est l’enjeu ultrasensible, des négociations entre les Russes et les Américains qui doivent s’ouvrir dimanche 9 janvier à Genève : à peine esquissées, les tractations sur l’architecture de sécurité du continent européen s’annoncent houleuses, tant Moscou et Washington divergent sur le sujet.
L’ordre en vigueur, forgé dans le contexte de la chute de l’URSS voici trente ans, a subi de nombreux coups de boutoir ces dernières années, dont Russes et Américains se rejettent la responsabilité. « Nous n’avons jamais réussi à discuter de l’ordre de sécurité en Europe ; les discussions sont bloquées dès les premiers échanges », rappelle un vétéran de la diplomatie continentale, sans trop d’illusions sur une éventuelle percée. Ce dernier garde en tête qu’entre 2007 et 2008, la Russie avait déjà proposé – en vain – un nouvel ordre européen, auquel font écho les demandes actuelles du Kremlin.
De fait, les Russes exigent ni plus ni moins de remettre en cause l’architecture de sécurité en vigueur depuis la fin de la guerre froide, un agenda qui inquiète les Etats-Unis et leurs alliés européens, toujours très dépendants de la protection américaine. Les Occidentaux ont rejeté par avance le double traité demandé mi-décembre 2021 par la Russie pour geler l’élargissement de l’OTAN – à l’Ukraine en particulier – et encadrer strictement le déploiement de troupes et d’armements de l’Alliance dans les pays d’Europe centrale qui l’ont rejointe depuis la fin des années 1990. « Il est inacceptable que la Russie ait un droit de regard sur l’OTAN », prévient un diplomate européen.
« Au-delà de la question ukrainienne, le champ des pourparlers entre Américains et Russes s’annonce très large, s’inquiète Piotr Buras, directeur de l’European Council on Foreign Relations (ECFR) à Varsovie. Le souci, en particulier dans les Etats en première ligne face aux menaces russes, est que leur situation sécuritaire, déjà très précaire, n’empire pas davantage. » Pour les pays d’Europe centrale et orientale en particulier, pas question que les Russes obtiennent une sorte de zone tampon dans leur voisinage et projettent à nouveau le continent dans une logique de bloc.
« Lignes rouges »
Les exigences de Moscou remettent en effet en cause les principes agréés à la sortie de la guerre froide, afin de tenter d’organiser le continent après la dislocation du bloc de l’Est. Parmi les documents fondateurs, la charte de Paris, adoptée en novembre 1990 dans le contexte de la réunification allemande par 34 pays, dont l’Union soviétique moribonde et ses alliés du pacte de Varsovie, prônait de nouvelles relations entre pays européens, afin d’éviter tout recours à la force, dans le respect de l’Etat de droit, de la démocratie et des minorités.
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