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ReportageCette bourgade de l’ouest de la Grande-Bretagne a vu naître en 2018 le groupe écologiste Extinction Rebellion. L’énergie militante qui bouillonne dans cette ancienne ville ouvrière ne cesse d’attirer des jeunes et des habitants fuyant Londres. Mais la pandémie de Covid-19 pourrait bien affaiblir le mouvement.
A chaque coup de marteau, la vitrine de la banque se fend un peu plus. Des éclats de verre ricochent sur le trottoir désert du 18 King Street, en plein centre de Stroud, ville verte et proprette du sud-ouest de l’Angleterre. Ce 30 mars 2021, vers 6 heures, Gail Bradbrook – 48 ans, bonnet noir et lunettes de protection – redouble d’efforts pour faire céder la devanture de l’établissement de la Barclays.
Elle vient de placarder une affiche sur la façade : « Cette banque finance le chaos climatique ». Membre du groupe d’activistes écologistes Extinction Rebellion, elle participe à l’opération « Money Rebellion » (« rébellion de l’argent »), qui dénonce les investissements des banques dans les énergies fossiles. Les épaisseurs de verre se fragmentent sous ses coups, mais la vitrine ne cède pas.
Moins de deux mois plus tard, le 11 mai, à 5 h 30, quatre policiers débarquent chez Gail Bradbrook. Ils ont ordre de perquisitionner son domicile. Ils ne la lâchent pas d’une semelle, soutient-elle, ça l’énerve. « J’ai alors retiré ma chemise de nuit et je me suis retrouvée complètement nue devant eux, raconte l’activiste. C’était une manière de leur demander s’ils étaient bien sérieux de me suivre partout comme ça chez moi. »
Les policiers la placent en garde à vue et lui expliquent que les réparations pourraient coûter à la banque jusqu’à 1 million de livres (1,18 million d’euros). Mise en examen pour « dommages criminels » et « atteinte contre une institution financière », la quadragénaire encourt dix ans de prison ferme. Une première audience de son procès aura lieu le 11 janvier.
Gail Bradbrook, activiste d’Extinction Rebellion. Elle encourt dix ans de prison pour avoir brisé la vitrine d’une banque de Stroud dans le cadre de l’opération « Money Rebellion ». A Stroud (Grande-Bretagne), en décembre 2021. ROBBIE LAWRENCE POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Il en faut plus pour émouvoir Gail Bradbrook. Dans son salon, la militante, en chaussons et legging noir, affirme n’avoir aucun regret et trouve même la situation « plutôt drôle ». Elle connaissait les risques de l’opération, avait imaginé « des dizaines de fois » le moment où les forces de l’ordre viendraient frapper chez elle à l’aube.
A Stroud, sa maison est connue de tous. En brique, avec un seul étage, elle est identique à toutes les autres le long de Farmhill Lane. C’est ici qu’Extinction Rebellion, le mouvement écologiste qui prône la désobéissance civile (et connu aussi sous l’abréviation XR), a pris forme avant sa création, en 2018. Un seul indice le signale, sur une fenêtre du rez-de-chaussée : une affiche du mouvement avec son logo, un sablier dans un cercle, symbole de l’urgence climatique.
Les « débarqués de Londres »
A une heure et demie de train à l’ouest de Londres, au milieu de collines boisées, Stroud est devenue en quelques années un nid d’activistes écologistes qui attire de plus en plus d’adeptes. Dans cette petite ville de 30 000 habitants du Gloucestershire, des magasins de seconde main jouxtent un commerce « sans plastique » dans la rue piétonne. Le café Woodruffs se présente comme le premier bistrot végan d’Angleterre depuis sa création, en 1998. Le marché des producteurs de la région, le samedi matin, est un des plus réputés du pays.
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