Le pogrom de Kichinev, qui fit une quarantaine de morts en 1903, ne fut ni le seul commis dans l’Empire russe au début du XXe siècle ni le plus terrible. Ce massacre n’en occupe pas moins une place toute particulière dans l’imaginaire des juifs américains, symbole d’une « histoire lacrymale » pour des millions de leurs émigrés, convaincus d’avoir trouvé un havre de paix aux Etats-Unis. Cet « exceptionnalisme » américain est au cœur des travaux de l’historien Salo Baron [1895-1989], né en Galicie, aux marges orientales de l’Empire austro-hongrois, et ayant émigré outre-Atlantique. Il célébrait un Nouveau Monde qui lui semblait immun d’un antisémitisme omniprésent sur le Vieux Continent.
En tissant ce double fil, l’historien Pierre Birnbaum dresse une très érudite et passionnante histoire du judaïsme et de l’antisémitisme américains, domaine plutôt négligé jusqu’ici. Dans un ouvrage précédent, Les Deux Maisons (Gallimard, 2012), il comparait l’histoire de la citoyenneté des juifs en France et aux Etats-Unis, les deux nations qui en premier les émancipèrent, mais selon des modèles radicalement différents, étatiste et laïque pour l’une, communautariste pour l’autre.
Ce nouveau livre met en lumière la montée en puissance, ces dernières années, aux Etats-Unis d’une haine antisémite alimentée par l’ultradroite. Mais, ainsi que le montre Pierre Birnbaum, l’histoire des juifs dans le pays fut moins heureuse qu’il n’y paraît. L’un de ses moments les plus tragiques fut le lynchage, en 1915, de Leo Frank, un notable et industriel juif d’Atlanta accusé à tort du viol et du meurtre de l’une de ses ouvrières. Une affaire qui suscita un choc similaire à celui de l’affaire Dreyfus en France. Mais, cent sept ans plus tard, Leo Frank n’a, lui, toujours pas été réhabilité.
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