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Que se passe-t-il au Kazakhstan ? Tout comprendre en quatre questions

Devant la mairie d’Almaty, au Kazakhstan, le 5 janvier 2022. YAN BLAGOV / AP

La situation reste tendue au Kazakhstan, où des dizaines de personnes, dont douze policiers, ont été tuées, et plusieurs milliers blessées, lors des émeutes qui ont secoué le pays depuis dimanche 2 janvier, après une hausse brutale du prix du gaz de pétrole liquéfié (GPL).

C’est dans les rues d’Almaty, la capitale économique du pays, que les scènes ont été les plus violentes. L’état d’urgence a été décrété sur tout le territoire, mercredi, par le président Kassym-Jomart Tokaïev, quelques heures après l’annonce de la démission du gouvernement tandis que l’accès à Internet a été suspendu sur le territoire.

Des troupes russes ont, elles, été appelées en renfort, à la demande du Kazakhstan : la Russie et les autres membres de l’Organisation du traité de sécurité collective (l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan, tous anciens membres de l’URSS) ont annoncé, jeudi matin, l’envoi d’une « force collective de maintien de la paix ».

D’où est parti ce mouvement ?

Des cinq républiques d’Asie centrale devenues indépendantes avec la disparition de l’URSS, le Kazakhstan est, de loin, la nation la plus grande et la plus riche, notamment grâce à ses gisements de pétrole. La richesse n’est, cependant, pas bien répartie dans le pays, où le salaire mensuel moyen est d’un peu plus de 500 euros et où la corruption semble endémique.

Mais jamais le Kazakhstan n’avait connu de telles émeutes depuis son indépendance. La suppression, le 1er janvier, du plafond du prix du gaz de pétrole liquéfié, le carburant le plus utilisé dans le pays (entre 70 % et 90 % des véhicules fonctionnent au GPL, rapporte le Washington Post), semble avoir été l’étincelle qui a tout déclenché, car, rapidement, le prix du GPL a doublé. D’autant que, comme le souligne l’Agence France-Presse (AFP), puisque le GPL est la principale source de carburants des voitures, « toute hausse de son prix entraîne celle des produits alimentaires, déjà à la hausse depuis le début de la pandémie de Covid-19 ».

C’est à Janaozen, dans la région ouest de Manguistaou riche en ressources pétrolières, que les premières manifestations ont eu lieu, dans le week-end. Dans cette ville, en 2011, quatorze ouvriers d’un site pétrolier grévistes avaient été tués lors de la répression policière d’une manifestation contre les conditions de travail et les salaires. Le mouvement s’est ensuite étendu à la grande ville régionale d’Aktau sur les bords de la mer Caspienne, avant de se propager dans le reste du pays.

Que s’est-il passé mercredi 5 janvier ?

Dès mardi soir, l’AFP signalait des tirs de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogène par la police pour tenter de disperser une grande manifestation qui réunissait plusieurs milliers de personnes, à Almaty, la capitale économique, qui se trouve dans l’est du pays. Dans la nuit, le président Kassym-Jomart Tokaïev a décrété l’état d’urgence à Almaty et dans la province de Manguistaou pour deux semaines, alors que près de 5 000 manifestants scandaient des slogans contre le gouvernement et l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev, mentor du dirigeant actuel et encore très influent.

Le président du Kazakhstan a limogé son gouvernement et décrété l’état d’urgence, en réponse aux manifestations aya… https://t.co/jlnXa3btsK

— afpfr (@Agence France-Presse)

Quelques heures, plus tard, le président a accepté la démission du gouvernement, tandis que la mairie et la résidence présidentielle à Almaty étaient partiellement incendiées et que des manifestants s’emparaient brièvement de l’aéroport de la ville.

Au fil des jours, les demandes des manifestants ont évolué : en plus de protester contre la hausse des prix du GPL, ils demandent désormais de pouvoir élire directement les responsables régionaux du pays, pour l’instant nommés par le président, note le New York Times : « En somme, ils demandent l’éviction des forces politiques qui ont dirigé le pays sans véritable opposition depuis l’indépendance du pays en 1991. »

Le président a alors promis une réponse « ferme » : « Des groupes d’éléments criminels battent nos soldats, les humilient, les traînant nus dans les rues, agressent les femmes, pillent les magasins. En tant que chef de l’Etat et à partir d’aujourd’hui président du Conseil de sécurité, j’ai l’intention d’agir de la manière la plus ferme possible. » L’état d’urgence a été élargi à tout le pays, tandis que le président a demandé l’aide de la Russie et de ses alliés, attribuant les émeutes à des « terroristes » entraînés à l’étranger.

Comment Internet a-t-il été coupé ?

Le Kazakhstan a désactivé, à partir de mardi, des pans entiers de son réseau Internet. Selon Netblocks, un organisme qui suit et étudie les coupures de réseau et Cloudflare, une entreprise spécialisée dans l’infrastructure Internet, c’est d’abord le réseau Internet mobile, très important dans le pays, qui a été fortement perturbé. Selon des journalistes et activistes présents sur place, l’utilisation des messageries mobiles Telegram, Signal et WhatsApp était difficile depuis plusieurs jours.

Aux alentours de 18 h 30 mercredi, un blocage pur et simple a été appliqué à tout le réseau Internet dans le pays, fixe et mobile. Cette coupure d’Internet concernait également les sites officiels de l’Etat kazakh, dont certains demeurent encore aujourd’hui inaccessibles depuis l’étranger.

Une brève embellie a eu lieu mercredi en toute fin de journée, selon Netblocks et l’agence de presse russe Tass, notamment à Almaty. Ce relâchement est intervenu alors que Kassym-Jomart Tokaïev prononçait un discours télévisé. Rapidement, le blocage total a été restauré.

⚠️ Confirmed: #Kazakhstan is again in the midst of a nation-scale internet blackout as of early morning Thursday.… https://t.co/Oa8eV7kgoY

— netblocks (@NetBlocks)

Le Kazakhstan fait partie de la longue liste des pays qui, ces dernières années, ont entrepris de perturber, voire de couper purement et simplement, l’accès à Internet pour faire face à des mouvements de contestation internes. Le but est à la fois de désorganiser ces derniers, en les privant de moyens de communiquer et de se coordonner, mais aussi de limiter la circulation des informations vers l’extérieur du pays.

Que se passe-t-il depuis jeudi ?

Comme le rappelle l’agence de presse américaine AP, s’il y a déjà eu des manifestations majeures dans le pays, comme en 2019, après l’élection de Kassym-Jomart Tokaïev, jamais le Kazakhstan n’a connu une telle situation et il est difficile de faire des prédictions sur ce que l’avenir réserve à ce pays d’Asie centrale. Le président a semblé enclin à lancer des réformes lors de ses appels au peuple kazakh : jeudi, le gouvernement a annoncé avoir plafonné pour six mois le prix de vente des carburants et le président a introduit une série de mesures d’urgence. Mais AP note que ses dernières remarques en fin de journée, suggéraient une réponse plus répressive.

La situation est d’autant plus confuse qu’il est compliqué d’en avoir une vision complète, journalistes et témoins ne pouvant plus être joints ni par Internet ni par téléphone.

Jeudi, la Russie voisine et ses alliés de l’Organisation du traité de sécurité collective, ont annoncé l’envoi d’une « force collective de maintien de la paix ». La France, elle, a appelé « toutes les parties » à la « modération », tout comme les Etats-Unis et l’Union européenne.

Par ailleurs, ces émeutes ont indirectement causé une hausse de 8 % des prix de l’uranium, note Bloomberg, qui rappelle que le Kazakhstan est le principal fournisseur mondial et produit 40 % de l’uranium dans le monde.

La suspension d’Internet a, elle, eu un autre effet sur le bitcoin, puisque le Kazakhstan est le deuxième « producteur » de cette cryptomonnaie. En l’espace de quelques heures, la production a baissé de 12 %.

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