C’est une région rurale, arrosée par le Rhin, où la vigne se porte comme un charme et où les Romains ont laissé de superbes vestiges. Son nom, Rhénanie-Palatinat (Rheinland-Pfalz), a d’ailleurs conservé des allures de colline romaine. C’est sans doute pour cela qu’on y cultive, plus qu’ailleurs en Allemagne, un esprit européen.
L’histoire retiendra en tout cas que la région a exercé une influence considérable sur la coalition dite « feu tricolore » – Parti social-démocrate (SPD), Parti libéral-démocrate (FDP) et Verts –, qui a pris le pouvoir à Berlin le 8 décembre 2021 sous la direction d’Olaf Scholz. Outre un modèle de coalition éprouvé à Mayence, deux membres du gouvernement viennent de la région, ainsi qu’un conseiller très spécial à la chancellerie, qui va jouer un rôle central dans la politique économique et européenne allemande à venir : Jörg Kukies.
Cet économiste né à Mayence en 1968, ancien de Goldman Sachs et membre du SPD depuis sa jeunesse, a pris la direction, début décembre, des départements 4 (questions économiques) et 5 (politique européenne) à la chancellerie. Les deux fonctions, qui représentent chacune une charge de travail considérable, sont habituellement séparées. M. Kukies les exercera en plus de son rôle de sherpa du gouvernement lors du sommet du G20 et surtout de celui du G7, sous présidence allemande. En clair, tous les dossiers les plus délicats du moment – discussions sur l’avenir du pacte de stabilité, poursuite de l’intégration européenne, politique industrielle et énergétique, décarbonation et numérisation et leurs volets financement – passeront par son bureau.
« Ce qui m’a attiré, c’est le thème de l’Europe, qui m’a toujours fasciné », raconte Jörg Kukies au Monde. « Aucune des transformations actuelles que nous menons ne peut se faire sans l’Europe. Combiner les questions économiques et les questions européennes à la chancellerie, cela m’a semblé tout à fait logique. » L’ampleur de la tâche témoigne de l’immense confiance dont il jouit dans le cercle resserré qui entoure le chancelier. Les deux hommes se connaissent pourtant depuis peu : Jörg Kukies est entré au service d’Olaf Scholz il y a moins de quatre ans, au printemps 2018, quand ce dernier a pris ses fonctions à la tête du ministère des finances. C’est Thorsten Schäfer-Gümbel et Andrea Nahles, anciens cadres du SPD en Rhénanie-Palatinat, proches de M. Scholz, qui ont joué les intermédiaires.
Au cœur du réacteur
« Pourquoi n’y a-t-il pas plus de gens issus de l’économie qui s’engagent en politique, comme aux Etats-Unis ? », demande un soir de décembre 2017 M. Schäfer-Gümbel à M. Kukies, après un match de basket dont il est spectateur avec sa femme. « On ne nous sollicite pas assez », répond l’intéressé. Le message est enregistré. Trois mois plus tard, un rendez-vous est organisé avec Olaf Scholz. Le spécialiste des marchés financiers Jörg Kukies, coprésident du directoire de Goldman Sachs en Allemagne, devient secrétaire d’Etat chargé des marchés financiers et de l’Europe au ministère des finances, le second centre du pouvoir à Berlin, après la chancellerie.
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