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Au Maroc, le scandale « sexe contre bonnes notes » éclabousse les universités

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Cérémonie de remise des diplômes à l’université de Rabat, en février 2019. YOUSSEF BOUDLAL / REUTERS

Des professeurs poursuivis en justice, une omerta qui se brise. Depuis plusieurs semaines, un scandale inédit éclabousse les universités au Maroc. Connu sous le nom de « sexe contre bonnes notes », il a pris de l’ampleur avec les révélations dans la presse et sur les réseaux sociaux d’une série d’affaires de harcèlement sexuel dans certains établissements du royaume.

Le 28 décembre, à Oujda (nord-est), des dizaines d’étudiants ont manifesté pour protester contre le harcèlement sexuel qu’aurait infligé un enseignant à plusieurs élèves de l’Ecole nationale de commerce et de gestion (ENCG), de l’université Mohammed-Ier. Des captures d’écran de conversations avaient été publiées la veille sur les réseaux sociaux : il y était question de « séance de fellation » contre la validation du semestre. Un échange avec une autre étudiante a également circulé, ainsi qu’une lettre anonyme d’une jeune femme affirmant avoir été contrainte de quitter l’école à force de subir les pressions du professeur.

Bien qu’aucune plainte n’ait pour l’heure été déposée, ces accusations ont été prises au sérieux par le ministère de l’enseignement supérieur, qui a dépêché une commission d’enquête. L’enseignant a été suspendu, deux responsables de l’ENCG ont été relevés de leurs fonctions et le directeur a été poussé à la démission. « Le concerné sera bientôt entendu par le conseil disciplinaire », indique la présidence de l’université, précisant qu’« un numéro vert et une cellule d’écoute au profit des étudiantes plaignantes » ont été mis en place.

« Je veux que tu me fasses ces positions »

Le 30 décembre, un autre scandale a éclaté dans le milieu universitaire, cette fois à Tanger (nord). Ce jour-là, la presse révélait que douze étudiants de l’Ecole supérieure Roi-Fahd de traduction (ESRFT), de l’université Abdelmalek-Essaadi, avaient porté plainte contre un professeur. Ce dernier aurait fait visionner à une étudiante une vidéo pornographique en lui disant « Je veux que tu me fasses ces positions », selon des témoignages rapportés par l’hebdomadaire TelQuel, enregistrements à l’appui. L’enseignant a été suspendu et l’université a lancé un dispositif anti-harcèlement.

Une affaire similaire de chantage sexuel avait déjà secoué le pays en septembre. Une procédure judiciaire est en cours à l’encontre de cinq professeurs de l’université Hassan-Ier de Settat, près de Casablanca, après la diffusion sur les réseaux sociaux de messages à caractère sexuel échangés entre un enseignant et ses étudiantes. Quatre professeurs seront poursuivis pour « incitation à la débauche », « discrimination fondée sur le genre », « violence contre des femmes » ; le cinquième pour « attentat à la pudeur avec violence », un chef d’accusation plus grave.

Ces scandales à répétition ont suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Sous le hashtag #MeTooUniv, plusieurs associations de défense des droits des femmes ont lancé des campagnes pour inciter les victimes à parler. « Nous avons reçu des centaines de témoignages de différentes universités. Tous dénoncent des actes de harcèlement à des degrés divers et parfois de chantage : avances sexuelles contre bonnes notes, validation de modules ou de stages », rapporte Narjis Benazzou, présidente du collectif des « hors-la-loi » : « Ce qui nous a le plus choqués, c’est l’ampleur du phénomène et aussi sa normalisation, avec des pratiques qui passent souvent sous silence. »

« Aujourd’hui, des étudiantes osent en parler »

« C’est un tabou qui se brise », selon Yousra Elberrad, membre de la Fédération des ligues des droits des femmes : « Généralement, les victimes ne déposaient pas plainte, par peur des représailles, peur du regard de leur entourage, peur d’être seule contre tous. Et lorsque des plaintes étaient déposées, elles étaient parfois étouffées et restaient sans suite. Aujourd’hui, des étudiantes osent en parler. Les autorités ont réagi et le ministère semble avoir compris l’ampleur du phénomène. »

Au Maroc, une loi entrée en vigueur en 2018 rend pour la première fois passibles de peines de prison des actes considérés comme « des formes de harcèlement, d’agression, d’exploitation sexuelle ou de mauvais traitement ». « Cette loi a ouvert une porte, mais elle comporte des failles, notamment le fait que c’est à la victime qu’il revient le fardeau de la preuve », estime Yousra Elberrad. Les associations de défense des droits des femmes exigent plus de garanties pour protéger les victimes et leur faciliter l’accès à la justice.

Depuis ces révélations, plusieurs universités du pays ont mis en place des cellules de veille. Au niveau national, « un code éthique et déontologique est en train d’être élaboré avec les acteurs de la société civile, dont l’objectif est d’éradiquer toute forme de violence en milieu universitaire », indique-t-on au ministère de l’enseignement supérieur. Selon un rapport du Haut-Commissariat au plan de 2019, 22 % des élèves ont subi des violences dans un lieu d’enseignement. Dans un tiers des cas, il s’agissait de harcèlement sexuel.

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