LETTRE DE GENÈVE
Avant de passer au cœur de l’affaire, juste un rappel, pour illustrer un état d’esprit. L’image date du 4 septembre 2014. Sur le quai de la gare de Neuchâtel, le ministre suisse des affaires étrangères de l’époque, Didier Burkhalter, tapote sur son smartphone en attendant le train, sans conseiller ni garde du corps. Seul, superbement. Admiratif, un journaliste le photographie et poste la scène sur Twitter avec ce commentaire : « Un passager comme un autre. » Aussitôt, les éloges pleuvent. Ce serait là « une certaine idée de la Suisse », démocratie parfaite qui ne jette pas l’argent du contribuable par les fenêtres pour les distractions coupables de la pompe et du faste, « comme à Paris ou Washington ».
Le problème avec cette frugalité gouvernementale, c’est qu’elle a fini par se retourner contre ses principaux acteurs. L’affaire, donc : en 2021, pas moins de trois incidents majeurs ont été répertoriés dans la peu pléthorique flotte aérienne du gouvernement fédéral, au point que certains observateurs mal intentionnés ont fini par y voir une métaphore. La Suisse ne se donnerait plus les moyens de garder des accès au-delà de son petit horizon alpin. De quoi s’agit-il ? De trois ministres dans leurs petits souliers, lors de déplacements à l’étranger.
Première séquence fin juillet dernier à Londres. Alors qu’elle est venue participer à une réunion préparatoire de la COP26, la ministre des transports et de l’environnement Simonetta Sommaruga est coincée sur la base de la Royal Air Force à Northolt. Le moteur du tout petit jet (9 places) Cessna Citation Excel refuse obstinément de démarrer. On doit réparer l’appareil sur place, ce qui prend du temps. Aussi Berne doit-il dépêcher le seul avion à large rayon d’action du gouvernement, un Falcon 900 de Dassault Aviation, pour rapatrier la conseillère fédérale en rade.
« Dès qu’un problème survient sur un vol long-courrier, il n’y a pas d’alternative, il faut rebrousser chemin », Thomas Hurter, député suisse et pilote
Deuxième incident, à quelques jours de distance, avec le même Falcon. Guy Parmelin, président de la Confédération en exercice, doit se faire porter pâle auprès de l’empereur du Japon Naruhito qui l’attend à Tokyo. A cause d’un problème technique, et alors qu’il survole l’Europe de l’Est peu de temps après avoir décollé de Berne, l’appareil doit effectuer un humiliant demi-tour. Le conseiller fédéral arrivera quand même à temps pour l’ouverture officielle des Jeux olympiques dans la capitale nippone, après avoir dû emprunter un avion de ligne.
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