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Energies « vertes » : un nécessaire compromis européen

La centrale nucléiare de Bugey (Ain). JEAN ISENMANN / ONLY FRANCE VIA AFP

Editorial. Il y aura donc bien plusieurs nuances de vert en Europe. Après des mois d’hésitation, la Commission européenne a enfin présenté un projet de labellisation des investissements nécessaires à la transition écologique. L’exercice est périlleux, car il n’existe pas de consensus au sein des Etats membres de l’Union européenne sur les moyens de parvenir en 2050 à la neutralité carbone, l’objectif que se sont fixé les Vingt-Sept dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Pour contourner l’obstacle, Bruxelles fait preuve de pragmatisme afin que chaque pays puisse tenir cet agenda en fonction de ses propres choix énergétiques.

Regroupée sous le terme rébarbatif de taxonomie, cette nomenclature européenne consiste à définir ce qu’est une activité économique durable afin de flécher les financements dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe. Si une source d’énergie n’y figure pas, elle aura du mal à trouver les capitaux nécessaires à son développement et risque de se retrouver rapidement hors jeu. Ainsi, soixante-dix secteurs d’activité, représentant 93 % des gaz à effet de serre émis sur le territoire européen (construction, transport, industrie ou encore énergie), ont été passés au crible pour savoir s’ils peuvent bénéficier du précieux label.

Si le statut des énergies renouvelables ne fait pas débat, le sort réservé au gaz et au nucléaire est beaucoup plus controversé. Le premier, soutenu par un petit groupe de pays, Allemagne en tête, est émetteur de CO2, tandis que le second, dont la France s’est faite la championne, est quasiment neutre sur le plan carbone, mais reste générateur de déchets dangereux qu’il faut stocker. Difficile, dans ce contexte, de parler de sources d’énergie « vertes ».

Face à ce dilemme, la Commission européenne a choisi de… ne pas choisir. Le gaz comme le nucléaire devraient bien être classés comme des énergies nécessaires à la transition écologique, même s’ils seront soumis à des restrictions, d’émissions de carbone pour le gaz, de calendrier pour le nucléaire.

Pas de solution miracle

Comme tous les compromis, celui-ci risque de créer beaucoup de frustrations et de protestations, mais il a le mérite de privilégier un certain réalisme. Une taxonomie ne qualifiant que les énergies renouvelables était sans doute séduisante, mais utopique pour la grande majorité des experts internationaux. Sans gaz et/ou nucléaire, la neutralité carbone et la limitation du réchauffement climatique seront extrêmement difficiles à tenir dans les délais, sinon au prix d’un changement rapide et profond de mode de vie, difficilement acceptable à ce stade par l’opinion publique.

Dans ce débat énergétique, il n’existe pas de solution miracle. Le nucléaire fait peur, mais il n’émet pratiquement pas de CO2. Le gaz est peut-être plus rassurant et moins polluant que le pétrole ou le charbon, mais il nous place dans une situation de dépendance face à notre principal fournisseur, la Russie de Vladimir Poutine, sans résoudre pour autant la question de la décarbonation. Néanmoins, les deux sources d’énergie disposent de l’immense avantage d’être pilotables, c’est-à-dire d’être utilisables à tout moment, même lorsqu’il n’y a pas de vent pour faire tourner les éoliennes ou de soleil pour alimenter les panneaux solaires.

Le projet peut être encore amendé d’ici sa publication définitive dans quelques jours. Même si cette taxonomie est loin d’être parfaite, elle permet malgré tout à l’Europe de renforcer son leadership environnemental, en définissant une norme en matière de finance « verte », qui pourrait devenir une référence pour le reste du monde.

Le Monde

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