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Covid-19 : “À l’hôpital, c’est la vaccination et le passe sanitaire qui empêchent la paralysie”

Publié le : 03/01/2022 – 17:07

En ce début d’année 2022, la progression rapide du variant Omicron fait planer le risque d’une saturation des hôpitaux, a prévenu lundi le ministre de la Santé, Olivier Véran. Alors que le pic de contamination est envisagé aux alentours de mi-janvier, les services peuvent-ils tenir sans mesures sanitaires plus strictes ? Entretien.  

Alors que la cinquième vague de Covid-19 progresse rapidement en France, les autorités sanitaires estiment que le pic de contamination devrait intervenir dans les prochaines semaines. Le mois de janvier “va être difficile à l’hôpital” a prévenu, lundi 3 janvier, Olivier Véran, soulignant que le variant Omicron – moins virulent mais plus contagieux – faisait planer le risque de saturation des lits d’hospitalisation conventionnelle.    

Dans le même temps, le nombre de cas graves continue d’augmenter en France avec une occupation des lits de réanimation due au Covid-19 qui dépasse désormais les 70 %, selon les autorités sanitaires. Les hôpitaux français sont-ils suffisamment armés face à la menace Omicron ? Point de situation avec le professeur Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon (AP-HP).    

Le ministre de la Santé Olivier Véran parle d’un risque de saturation des hôpitaux en janvier. Comment se manifeste ce risque sur le terrain ?  

Gilles Pialoux : Les hôpitaux français font face à une triple difficulté. Il y a tout d’abord des arrivées aux urgences dues aux pathologies diverses, plus massives que l’an dernier, probablement du fait d’un relâchement des gestes barrières. Il s’agit d’un afflux d’infections comme des bronchiolites et des gastro-entérites, avant même l’épidémie de grippe qui va arriver. Cette situation touche tout le monde, les services de pédiatrie comme les services adultes et impacte lourdement nos hôpitaux. 

Nous avons ensuite l’augmentation des cas de Covid-19 graves, dus notamment au variant Delta, qui est toujours là et génère une pression accrue sur les services de réanimation. Il est important de noter que nos capacités nationales pour ce service restent les mêmes qu’au début de la pandémie, à 5 500 lits, et qu’en cas d’urgence nous n’avons d’autre choix que de déprogrammer des opérations.    

Enfin, nous devons gérer un fort absentéisme au quotidien lié à la rapide progression des contaminations avec l’arrivée d’Omicron. À l’hôpital Tenon, la semaine dernière, nous avons enregistré 80 contaminations pour un effectif global de 480 personnes. Dans mon service, nous avions un adjoint, trois infirmières et un interne en moins. Comme nous fonctionnons déjà en sous-effectif, nous devons faire des choix difficiles, comme proposer aux contaminés asymptomatiques de revenir travailler lorsque le manque de personnel devient trop important, ou se résoudre parfois à fermer des blocs. Cette situation déjà tendue est amenée à s’aggraver au cours du mois de janvier.   

Quels types de patients malades du Covid-19 arrivent aujourd’hui à l’hôpital ? Le variant Omicron change-t-il la donne ?  

La grande majorité des cas qui nous arrivent sont des non-vaccinés : 7 sur 10 environ. Nous avons également des personnes vaccinées mais immunodéprimées, donc fragiles, ainsi que des personnes à distance de leur deuxième dose et qui n’ont pas encore fait le rappel.   

Avec le variant Omicron, la troisième dose est devenue vitale, car si le vaccin reste efficace contre les formes graves, le niveau de protection a baissé (de 90 à 70 % environ). Même chez les sujets jeunes, la troisième dose a une incidence sur le niveau d’hospitalisation. Le variant Omicron a également la particularité de rendre plusieurs traitements anticorps monoclonaux inefficaces, ce qui explique pourquoi nous arrivent aujourd’hui des patients immunodéprimés vaccinés mais en situation d’inefficacité vaccinale.   

Parmi nos patients, nous avons très peu d’opposants farouches à la vaccination. Il s’agit principalement de personnes réticentes du fait d’un manque de prise de conscience ou bien tout simplement qui ont oublié de faire leurs rappels.   

En France, heureusement, le niveau de vaccination est élevé (plus de 76,8 % de la population avait un schéma vaccinal complet au 1er janvier, NDLR) et l’on voit bien que certains de nos voisins, dont la couverture est plus faible, sont plus durement touchés. Mais nous avons encore deux millions de personnes de plus de 65 ans non vaccinées, 2 millions de 65 ans et plus qui n’ont pas eu leur troisième dose et un million de personnes à risque non vaccinées. Ces trois publics représentent aujourd’hui une priorité absolue.    

Le gouvernement, qui veut « faire peser la contrainte sur les non-vaccinés » a décidé d’assouplir les règles d’isolement pour les personnes vaccinées et d’instaurer au plus vite le passe vaccinal. Comment percevez-vous ces mesures ?   

La vaccination n’est pas la solution à tout. Le dépistage, les traitements et l’immunité collective sont également des facteurs clés pour venir à bout de la pandémie. Mais ce qui est très net aujourd’hui à l’hôpital, c’est que c’est la vaccination et le passe sanitaire qui empêchent la paralysie de nos services.   

Depuis le début de la pandémie, les autorités doivent trouver l’équilibre entre la lutte contre la circulation du virus et le maintien du fonctionnement de la société. Il est clair aujourd’hui avec Omicron que nous avons perdu toute volonté de contrôler la circulation du virus. Le taux d’incidence est tellement élevé que le traçage de la population devient logistiquement impossible. Nous n’avons d’autre option que de subir cette situation en nous adaptant au mieux.   

L’assouplissement de l’isolement pour les vaccinés risque d’augmenter la circulation du virus mais il permet de garder des gens sur le pont, notamment dans les hôpitaux pour soigner nos malades. Selon la même logique, je considère que la décision d’accentuer les dépistages à l’école va dans le bon sens car c’est un moindre mal comparé à la fermeture des classes, qui, là encore, affecte nos effectifs.    

La difficulté aujourd’hui est que le manque de données sur le variant Omicron nous maintient dans l’incertitude. Car les modélisations ne permettent pas d’évaluer précisément l’augmentation du nombre de cas, la date du pic ni l’évolution de pandémie une fois ce seuil dépassé. Il est également impossible de dire si ce nouveau variant, moins agressif mais plus contagieux, va entraîner une augmentation des cas graves par la force du nombre, ou au contraire alléger la pression hospitalière. À l’hôpital, nous faisons trois réunions de crise par semaine pour surveiller l’évolution de la situation au plus près et nous adapter au plus vite. À l’heure actuelle, notre visibilité ne dépasse pas une semaine, mais la pression sur nos services est déjà bien réelle.     

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