Les cinq pays membres du Conseil de sécurité, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni et la France, se sont engagés, lundi 3 janvier, à « prévenir la poursuite de la dissémination » des armes nucléaires, dans une déclaration commune avant une conférence d’examen du traité sur la non-prolifération (TNP).
Les signataires sont les cinq Etats juridiquement reconnus comme « dotés de l’arme nucléaire » par le TNP. Trois autres pays considérés comme détenteurs de la bombe atomique – l’Inde, le Pakistan et Israël – ne sont pas signataires de ce traité, tandis que la Corée du Nord l’a dénoncé.
Rassurer sur le risque d’une guerre nucléaire
« Nous affirmons qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée », affirment les cinq pays signataires. « Compte tenu des conséquences de grande ampleur qu’aurait l’emploi des armes nucléaires, nous affirmons également que celles-ci, tant qu’elles existent, doivent servir à des fins défensives, de dissuasion et de prévention de la guerre », ajoutent-ils. « Chacun d’entre nous entend maintenir et renforcer encore ses mesures nationales destinées à empêcher l’utilisation non autorisée ou non intentionnelle d’armes nucléaires », poursuit le texte.
Par cette déclaration commune, les signataires entendent rassurer l’opinion publique mondiale sur les risques d’un affrontement à l’évidence cataclysmique. Les déclarations se sont multipliées ces derniers mois sur le caractère volatil de la géopolitique mondiale, entre tensions sino-américaines sur Taïwan et l’Indopacifique, bruits de bottes en Ukraine et autres crises multiples au Proche et Moyen-Orient, conséquences dévastatrices du Covid-19.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait lui-même tiré la sonnette d’alarme en décembre dans une tribune publiée par Le Journal du dimanche :
« Compte tenu du stockage de plus de 13 000 armes nucléaires dans les arsenaux du monde entier, combien de temps notre chance peut-elle durer ? L’anéantissement nucléaire est une épée de Damoclès : il suffirait d’un malentendu ou d’une erreur d’appréciation pour entraîner non seulement la souffrance et la mort à une échelle effroyable, mais aussi la fin de toute vie sur terre. »
Négociations avec l’Iran
Cette déclaration est publiée avant la tenue, prévue cette année sous l’égide de l’ONU, de la dixième conférence d’examen des parties au TNP, le traité international entré en vigueur en 1970 afin d’empêcher la propagation des armes nucléaires. Il compte 191 Etats parties.
En pleine négociation avec l’Iran, soupçonné de vouloir se doter de la bombe atomique, ces cinq puissances nucléaires soulignent leur « volonté de travailler avec tous les Etats pour mettre en place un environnement de sécurité permettant d’accomplir davantage de progrès en matière de désarmement, avec pour objectif ultime un monde exempt d’armes nucléaires », précise la présidence française, qui coordonne les travaux de ces pays depuis deux ans.
Les Occidentaux soupçonnent l’Iran de chercher à développer, en utilisant la technologie de ses lanceurs de satellites, des lanceurs balistiques à longue portée capables d’emporter des charges conventionnelles ou nucléaires. Des négociations ont repris en décembre à Vienne pour relancer l’accord de 2015 sur son programme nucléaire, devenu moribond après le retrait des Etats-Unis en 2018.
Salué par la Russie et la Chine
Lundi, Moscou s’est félicité de cet accord de principe entre les cinq grandes puissances nucléaires, espérant qu’il « contribuerait à réduire le niveau des tensions internationales », selon un communiqué du ministère russe des affaires étrangères. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a, de son côté, déclaré à l’agence RIA Novosti que Moscou estimait toujours « nécessaire » un sommet des puissances nucléaires.
La déclaration commune « contribuera à accroître la confiance mutuelle et à remplacer la concurrence entre les grandes puissances par la coordination et la coopération », a aussi réagi l’agence de presse officielle Chine nouvelle, citant le vice-ministre des affaires étrangères, Ma Zhaoxu.
Interrogée par l’Agence France-Presse, la Campagne internationale pour abolir l’arme nucléaire (ICAN), prix Nobel de la paix en 2017, a jugé cette déclaration « positive ».
« Mais le fait que [les signataires] modernisent et renouvellent dans le même temps leurs arsenaux vient totalement remettre en cause leur déclaration », a estimé Jean-Marie Collin, porte-parole d’ICAN France, réclamant la participation de ces pays à la première conférence des Etats parties au traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) qui doit avoir lieu en mars, en Autriche.
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