La France a pris samedi 1er janvier pour six mois la présidence tournante de l’Union européenne (UE) avec un programme ambitieux, une Europe « puissante » et « souveraine », qui risque toutefois d’être bousculé par la nouvelle flambée de Covid-19 et la présidentielle d’avril.
A minuit sonnante, elle a pris le relais de la Slovénie, qui présidait le Conseil de l’UE depuis le 1er juillet, et cédera son tour au second semestre à la République tchèque.
Symbole de ce relais, la Tour Eiffel et l’Elysée se sont illuminés au même moment en bleu, couleur de l’Europe. Le drapeau européen a remplacé sous l’arc de triomphe l’habituel drapeau tricolore, suscitant de vives réactions des candidats de droite et d’extrême droite à la présidentielle. Des dizaines d’autres monuments emblématiques doivent se parer de bleu dans tout l’Hexagone durant la première semaine de janvier.
Le Conseil de l’UE représente les intérêts des 27 Etats-membres face à la Commission et au Parlement européens. La présidence semestrielle convoque les réunions des ministres, fixe l’agenda et conduit les négociations.
Pouvoir d’influence
Pendant six mois, la France va donc disposer d’un important pouvoir d’influence pour faire avancer certains sujets et trouver des compromis à 27 même si l’exercice, très encadré, implique neutralité et doigté.
Le président Emmanuel Macron a placé la barre très haut pour cette présidence française de l’UE. « 2022 doit être l’année d’un tournant européen », a-t-il lancé vendredi soir lors de ses vœux de Nouvel An. Il s’agit de rendre « l’Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maître de son destin », avait-il déjà énoncé le 9 décembre.
Des ambitions qu’il ne cesse d’afficher depuis son élection en 2017, non sans crisper certains de ses partenaires, notamment est-européens. Lui-même ne présidera pas les sommets ou Conseils européens – un rôle dévolu au Belge Charles Michel – mais il pourra peser sur les discussions et intervenir en cas de crise.
Or l’UE se trouve à la croisée des chemins sur une série de sujets, de la sécurité en Europe – des dizaines de milliers de soldats russes sont massés aux portes de l’Ukraine – à la crise sanitaire qui obscurcit de nouveau l’horizon économique européen.
Emmanuel Macron peut compter sur le soutien du nouveau chancelier allemand, le social-démocrate Olaf Scholz, qui présidera de son côté le G7 en 2022.
Dans sa première allocution du Nouvel An, le successeur d’Angela Merkel a plaidé pour une « Europe plus souveraine et forte ». « Nos amis français peuvent compter sur notre soutien », a renchéri la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, dans une déclaration à l’Agence France-Presse.
Une présidence perturbée par la présidentielle
La France s’est fixé trois chantiers prioritaires pour sa présidence : l’instauration de salaires minimum dans toute l’UE, la régulation des géants du numérique et la création d’une taxe carbone sur les produits importés en Europe en fonction de leur impact environnemental.
Emmanuel Macron prône également une réforme de l’espace Schengen afin de mieux « protéger les frontières » européennes face aux crises migratoires, un sujet qui sera au cœur de la campagne présidentielle française.
Il entend aussi mettre sur la table une révision des règles budgétaires – les fameux critères de Maastricht – qui encadrent les déficits européens afin de pouvoir financer plus d’investissements européens et de croissance. Et continuer à faire avancer l’Europe de la défense, malgré les réticences de certains partenaires, soucieux avant tout de la protection de l’Otan.
Il s’agit de la 13e présidence semestrielle tournante exercée par la France depuis 1958 et la première depuis 2008. Les élections présidentielle de mai et législatives de juin en France vont toutefois la percuter de plein fouet, réduisant d’autant l’espace-temps pour agir. La déferlante du variant Omicron va en outre contrarier l’agenda de la présidence française – quelque 400 rendez-vous sont prévus en France – au moins en janvier où nombre de réunions passeront en distanciel.
L’opposition dénonce quant à elle une instrumentalisation de la présidence par Emmanuel Macron, très probable candidat à sa réélection même s’il s’est gardé jusqu’ici de toute annonce.
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