A 1.550 mètres d’altitude, aux confins des Alpes françaises et italiennes, il faut une heure de marche sur une route endommagée et enneigée pour atteindre Castérino, dernier hameau encore isolé après les crues de 2020, où les hôteliers appellent à l’aide.
« On se doit de rester ouvert, pour nos clients et pour garder l’espoir »: à 57 ans, Paul Servel, propriétaire de l’auberge Sainte-Marie-Madeleine, veut tenir coûte que coûte et rester dans ce bout du monde préservé de la vallée de la Roya.
Pour y parvenir, il a investi 5.000 euros dans l’installation de chenilles sur son quad afin de parcourir sur la neige les quatre kilomètres qui séparent le hameau du lac des Mesches, là où la route venant de Saint-Dalmas-de-Tende, en partie détruite, s’arrête pour le moment.
En cette après-midi hivernale ensoleillée, Paul fait la navette pour redescendre les « habitués » qui ont déjeuné à l’hôtel et remonter une famille et ses deux enfants.
Malgré « 32 couverts ce midi, nous couvrons à peine nos frais en ce moment, et sans notre trésorerie, nous ne pourrions pas tenir », confie-t-il. Quand on lui demande ce qui le fait tenir, cet ancien « musher » -conducteur de traineau tiré par un attelage de chiens- ne peut retenir ses larmes: « Repenser à la catastrophe, c’est très dur ».
Depuis les crues d’une violence exceptionnelle du 2 octobre 2020 qui ont fait 10 morts et huit disparus dans les Alpes-Maritimes et détruit de nombreuses routes, la vie à Castérino, hameau sans commerce où résident sept habitants à l’année, est devenue très compliquée.
Outre l’effondrement du nombre de visiteurs, l’approvisionnement est un casse-tête. Cet été, l’hôtelier a dû faire livrer par hélicoptère des bombonnes de gaz pour chauffer l’hôtel.
A côté, les trois autres auberges ont elles préféré arrêter les frais.
André Boulanger et son épouse Nathalie, à la tête de l’hôtel des Mélèzes depuis 1990, ont baissé le rideau. « On a un peu ouvert cet été, mais il n’est pas venu grand monde », confie André. « On a refermé le 1er novembre car on n’a plus de gaz et on ne peut donc plus chauffer et ce ne serait pas rentable ».
A ce rythme, malgré les aides reçues pour faire face à l’épidémie de Covid, M. Boulanger, 63 ans, estime qu’il va tenir « trois à quatre mois maximum et ensuite c’est fini ».
« Après je fais quoi ? Je devrai me mettre en liquidation et j’arrête tout. Et à Castérino je ne suis pas le seul, tout le monde souffre », ajoute-t-il.
Car d’après les dernières prévisions du conseil départemental des Alpes-Maritimes, la route d’accès, dont la remise en état va coûter 25 millions d’euros, ne devrait pas être rouverte avant la fin de l’été prochain, ce qui signifie encore une saison estivale perdue pour les hôteliers.
– « C’était le Canada » –
Dans ce bout du monde préservé, devenu français seulement en 1947, où le loup a trouvé un sanctuaire dans le parc du Mercantour, Castérino est un petit joyau avec ses chalets de bois et de pierre. De là, des randonneurs accèdent à la vallée des Merveilles, riche de plus de 40.000 gravures rupestres préhistoriques.
Castérino, « c’était le Canada, avec l’hiver du ski de fond et des balades en raquettes et l’été de la randonnée et de l’accrobranche, mais la situation y est toujours catastrophique alors que dans l’ensemble de la vallée, on refait surface », se désole Jean-Pierre Vassallo, dans sa mairie de Tende, dont dépend le hameau, tout en saluant les « énormes efforts » des autorités.
« Les gens qui restent là-haut ont une volonté hors du commun mais je me fais beaucoup de souci pour eux. Il y a quatre établissements qui étaient ouverts toute l’année, ce qui se répercutait sur l’ensemble de la vie économique et touristique de la Roya car quand Castérino tourne, l’ensemble de la vallée tourne », ajoute-t-il.
Préfet délégué chargé de la reconstruction des vallées ravagées par les intempéries, Xavier Pelletier se dit « attentif » à la situation et assure à l’AFP qu’à Castérino « aucune activité ne serait dans une situation comptable critique ».
« Bercy est toujours en train d’étudier des perspectives pour accompagner l’activité hôtelière », ajoute-t-il.
Paul Servel propose lui une solution: « On a besoin d’une enveloppe d’environ 500.000 euros » pour que l’ensemble des établissements de Castérino « tiennent jusqu’à la réouverture de la route en novembre 2022 ». En attendant, il se réjouit d’être complet pour la nuit de la Saint-Sylvestre et conclut: « On ne lâchera pas ».
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