France World

Cadre budgétaire de l’UE : l’inévitable débat

Editorial du « Monde ». A quelques jours de l’ouverture de la présidence française de l’Union européenne (UE), le 1er janvier pour six mois, le premier ministre italien, Mario Draghi, et le président Emmanuel Macron ont lancé un appel conjoint à la réforme des règles budgétaires au sein de l’UE, posant ensemble les termes d’un débat de fond sur la stratégie économique de la décennie à venir.

Cette double signature au bas d’une tribune – que, curieusement, les deux dirigeants ont choisi de faire publier par un journal britannique, le Financial Times, le 24 décembre, plutôt que par des médias de l’UE – n’aura étonné personne. Paris et Rome sont à la pointe du combat des pays dits du sud de l’Europe contre l’orthodoxie budgétaire communautaire qui bride la dépense publique. La position du président français en faveur d’un assouplissement de ces règles est connue ; l’aura de l’ex-patron de la Banque centrale européenne et sauveur de l’euro, aujourd’hui redresseur de l’économie italienne, lui donne plus de poids.

Mais les deux dirigeants pensent le moment propice pour enfoncer un coin. L’Europe, plaident-ils, est entrée dans une nouvelle ère dont les défis exigent des investissements à grande échelle dans les infrastructures, le numérique, la recherche, la défense ; cela implique de faire évoluer le cadre budgétaire. Quand l’urgence s’est présentée en 2020, au moment où les économies des Etats membres ont menacé de s’effondrer sous l’effet de la pandémie, les responsables politiques ont su adapter ces règles et innover, avec un plan de relance européen massif, financé par une dette commune.

De l’économie, pas du juridique

Il faut continuer sur cette lancée, avancent Draghi et Macron, tout en reconnaissant la nécessité de réduire le niveau d’endettement ; la dépense publique qui financera ce type d’investissements sur les priorités d’avenir « contribuera, en réalité, à la soutenabilité de la dette à long terme ».

Il reste à MM. Draghi et Macron à convaincre, principalement, leurs collègues allemand et néerlandais, traditionnellement à la tête du groupe des réfractaires à l’assouplissement du cadre budgétaire, du bien-fondé de leur argument. Le chancelier Olaf Scholz a, selon l’Elysée, été informé à l’avance de cette tribune. Il se trouve que M. Scholz et le premier ministre Mark Rutte viennent tous deux de négocier des accords de coalition gouvernementaux qui ne ferment pas la porte à une évolution des règles européennes ; le chemin, toutefois, sera long.

Emmanuel Macron n’a, pour sa part, aucun intérêt à lancer un débat frontal avec Berlin sur les règles budgétaires en pleine campagne électorale française. Le chef de l’Etat veut faire valoir son bilan européen et préfère donc aborder le sujet autrement : plutôt que de se fixer sur les règles, partir des besoins en investissements de l’Europe pour faire face aux transitions climatique et numérique, pour réduire les dépendances dont elle souffre et pour pouvoir exister entre la Chine et les Etats-Unis. Partir de l’économie, pas du juridique, résume-t-on à Paris.

Un sommet européen sur cette question est prévu les 10 et 11 mars. Une fois que les Vingt-Sept se seront entendus sur leurs objectifs – de ce point de vue, le sujet est relativement consensuel –, le moment viendra de se demander comment y parvenir. Chacun séparément ? Tous ensemble, par un endettement commun ? Ou bien à l’aide de règles budgétaires adaptées ? Ce débat nécessaire va animer le second semestre 2022. Il promet, lui, d’être agité et conflictuel.

Le Monde

Source

L’article Cadre budgétaire de l’UE : l’inévitable débat est apparu en premier sur zimo news.