Face à une forme aussi contagieuse du Covid-19 que le variant Omicron, la stratégie chinoise de “zéro Covid-19” semble difficile à maintenir. Un défi sanitaire et politique à l’approche d’une année 2022 cruciale pour le pouvoir chinois avec les Jeux olympiques d’hiver et le 20e Congrès du Parti communiste.
Il y a encore un mois, les autorités chinoises bombaient le torse. La Chine, l’un des derniers pays à appliquer une politique de “zéro Covid-19”, ressentait une sorte de schadenfreude (le plaisir ressenti face aux malheurs des autres) à constater que la plupart des pays réintroduisaient des mesures partielles de fermeture des frontières pour contenir la déferlante du variant Omicron du Sars-CoV-2.
Pour Pékin c’était la preuve que sa stratégie très stricte de lutte contre la propagation du virus était la bonne face aux mutations. Les médias nationaux se sont empressés de dépeindre le pays comme la dernière “forteresse imprenable”, raconte Channel News Asia, une chaîne de télévision singapourienne d’informations.
Xi’an comme Wuhan ?
“Les gens doivent se demander si l’approche chinoise n’offre pas une meilleure protection puisque d’autres pays commencent à réintroduire, eux aussi, des restrictions aux déplacements face à la multiplication des contaminations au variant Omicron”, se félicitait encore début décembre le Global Times, un tabloïd chinois pro-Pékin.
Mais depuis mi-décembre, la “forteresse” chinoise semble pourtant se fissurer de plus en plus. Le 13 décembre, Pékin annonçait avoir découvert les deux premiers porteurs du variant Omicron sur son territoire. Près de dix jours plus tard, neuf contaminations par cette mutation particulièrement contagieuse ont été officiellement recensées en Chine.
Un nombre qui peut sembler peu élevé comparé à d’autres régions du monde, mais pour un pays qui se targue de ne tolérer aucun cas de Covid-19, c’est déjà beaucoup.
Surtout qu’en parallèle, les autorités sanitaires peinent à contenir la propagation du virus à Xi’an, la capitale de la province du Shaanxi (centre de la Chine). Plus de 150 contaminations ont été recensées officiellement, dimanche 26 décembre, dans cette ville de 13 millions d’habitants qui a pourtant été mise en quarantaine depuis jeudi 23 décembre après la découverte d’une dizaine de cas.
Les mesures déployées dans cette métropole régionale sont les plus drastiques depuis l’isolement complet de Wuhan, au début de la pandémie de Covid-19 en janvier 2020. Personne ne peut entrer ou quitter la ville, seule une personne par foyer est autorisée à sortir faire des courses une fois tous les deux jours, tous les magasins non-essentiels ont été fermés et plusieurs dizaines de milliers d’habitants ont été testés. Enfin, la municipalité a annoncé, lundi 27 décembre, l’adoption prochaine de nouvelles mesures encore plus strictes – sans préciser lesquelles.
Pékin a aussi sanctionné six responsables municipaux, accusés d’avoir réagi trop lentement face à l’explosion de nouveaux cas à Xi’an dont l’origine semble être un des passagers d’un avion en provenance du Pakistan.
Les autorités locales se sont empressées de préciser qu’aucune des personnes testées positives à Xi’an n’était porteuse du variant Omicron. Mais ce n’est qu’une mince consolation pour Pékin car ce foyer prouve avant tout que “même si le contrôle épidémique est excellent en Chine, des failles dans le contrôle aux frontières permettent au virus de se propager”, souligne Jin Dong-yan, un virologue de l’université de Hong Kong, interrogé par le South China Morning Post.
Omicron vs les Jeux olympiques d’hiver
Un maillage imparfait qui suffisait du temps de la souche originelle du Sars-CoV-2 ou des premières mutations. Mais avec l’arrivée des variants Delta et surtout Omicron, beaucoup plus contagieux, les autorités “doivent s’adapter pour réagir encore plus vite en cas de détection de nouveaux foyers”, estiment Jin Dong-yan.
Certains doutent que ce soit même possible. “La Chine va avoir beaucoup de mal à maintenir sa politique de ‘zéro Covid-19’ avec le variant Omicron”, a estimé sur Twitter Tulio de Oliveira, un virologue de l’université KwaZulu-Natal en Afrique du Sud qui a fait partie de l’équipe à avoir identifié en premier la dernière mutation en date du Sars-CoV-2.
Avec Omicron, le nombre de contaminations “double typiquement tous les deux ou trois jours, ce qui rend le traçage de cas – essentiel si on veut appliquer une politique ‘zéro Covid-19’ – très difficile”, note Kwok Kin-on, un épidémiologiste de l’université chinoise de Hong Kong, interrogé par le South China Morning Post.
Pour y parvenir, le gouvernement chinois “serait obligé d’allouer encore bien plus de moyens financiers à la lutte contre la propagation du virus, ce qui risquerait de ralentir fortement la reprise économique chinoise”, estime le Financial Times.
C’est pourquoi Pékin “va devoir s’aligner sur les autres pays et adopter une politique consistant à vivre avec le virus plutôt qu’à l’éradiquer”, estime Lawrence Gostin, spécialiste des questions de santé publique à l’université de Georgetown à Washington, interrogé par la radio publique nord-américaine Voice of America.
Un choix que le gouvernement chinois refuse pour l’instant de considérer. D’abord pour des raisons politiques. À l’approche des Jeux olympiques d’hiver, qui doivent débuter à Pékin le 4 février 2022, le Parti communiste chinois (PCC) veut maintenir l’apparence d’une politique “zéro Covid-19” qui fonctionne, estime Leo Poon, un virologue hongkongais, interrogé par le Financial Times.
Il n’est pas non plus question pour le gouvernement de changer de cap sanitaire l’année où le 20e Congrès du PCC est censé entériner un troisième mandat de président pour Xi Jinping. Le dirigeant a, en effet, été le principal promoteur de la politique de “zéro Covid-19” et l’abandonner serait “un aveu d’échec”, note Channel News Asia.
Un système sanitaire pas adapté
Le système de santé chinois n’est pas, non plus, prêt pour une politique à l’occidentale de “coexistence” avec le virus, estiment les autorités sanitaires. Le centre chinois pour le contrôle et la prévention des maladies a publié une étude, fin novembre, prédisant “une explosion catastrophique” de nouveaux cas en cas d’abandon de la ligne dure de lutte contre la propagation du virus. Leur modèle fait état de plusieurs centaines de milliers de nouvelles contaminations par jour et d’un effondrement total du système de santé.
“La Chine n’a tout simplement pas la capacité d’absorber un tel afflux de patients. Le nombre d’infirmières pour 1 000 habitants aux États-Unis, par exemple, est sept fois supérieur à celui de la Chine. Et, pourtant, on considère déjà qu’il y a une pénurie de personnel soignant en Amérique du Nord”, note Chen Xi, spécialiste des politiques sanitaires à l’université de Yale, interrogé par Voice of America.
La politique de “zéro Covid-19” n’est donc pas seulement un choix politique pour démontrer au monde que la Chine s’en sort mieux que la plupart des autres pays. C’est aussi “une nécessité sanitaire en attendant que la campagne de vaccination permette à la population d’atteindre une forme d’immunité collective”, souligne une note de Capital Economics, un cabinet britannique d’analyse économique, citée par le Washington Post.
Et c’est là que le dernier bât blesse. Face à Omicron, les deux principaux vaccins utilisés en Chine – Sinovac et Sinopharm – sont peu efficaces, d’après des tests récents. Ainsi, même trois doses du vaccin Sinovac n’offrent pas une “protection suffisante” contre le nouveau variant, ont conclu des chercheurs hongkongais dans une étude publiée jeudi 23 décembre.
Pékin semble donc coincé entre une stratégie “zéro Covid-19” qui semble peu adaptée à des variants très contagieux et un basculement vers une approche à “l’occidentale” de la lutte contre l’épidémie qui risquerait d’entraîner une catastrophe sanitaire en Chine. Tout ça à l’approche d’une nouvelle année politiquement très sensible pour le pouvoir chinois.
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