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Mort de Desmond Tutu : retour sur sa rencontre avec Annick Cojean

Desmond Tutu, le 27 avril 2019 au Cap, Afrique du Sud.. RODGER BOSCH / AFP

[L’ancien archevêque du Cap et icône de la lutte contre l’apartheid Desmond Tutu est mort, dimanche 26 décembre, à l’âge de 90 ans. Annick Cojean l’avait rencontré en 2004, une archive que nous republions en intégralité.]

Ces flammèches dans le regard ! Ces paillettes de gaieté, d’humour et d’énergie dans son iris foncé ! Et ce grand rire en cascade ! Ce grand rire bienfaisant qui vous asperge, vous contamine, délicieux et jubilatoire. Cet homme est désarmant. Car c’est de l’amour qu’on lit aussi dans sa prunelle. Quelque chose d’intensément attentif et bienveillant. Voilà pourquoi d’emblée ce regard vous réchauffe, comme sa main qu’il vous offre longuement, et comme son rire joyeux pour vous souhaiter la bienvenue. Voilà pourquoi aussi, avant même qu’il ne parle, entamant l’entretien par une petite prière improvisée à voix haute, vous souhaiteriez que la rencontre dure des heures. Tant de choses à lui demander, à cet activiste, champion de la lutte contre l’apartheid, symbole du ghetto de Soweto, Prix Nobel de la paix en 1984. Mais le temps nous manquera. Professeur invité au King’s College de Londres pour huit petites semaines, l’archevêque a un emploi du temps de pape. Alors, avant qu’il ne regagne son Afrique du Sud natale, et n’y retrouve son ami Nelson Mandela pour célébrer dix ans de démocratie, contentons-nous de grappiller quelques messages. Ils sont rafraîchissants.

Desmond Tutu et Nelson Mandela, le 17 mai 2003. ALEXANDER JOE, – / AFP

Car cet homme qui voyage sans cesse, cet homme qui, toute sa vie, fut attentif aux luttes des peuples, aux droits de la personne, cet homme ne comprend pas le manque de lucidité des grandes puissances sur la guerre en Irak. Parce qu’il ne croit pas en la violence pour garantir la sécurité. Parce qu’il défend l’ONU et le respect du droit international.

Dès janvier 2003, il a participé aux manifestations contre la guerre en Irak. « C’était tellement stimulant ! A Londres, Paris, New York. Des millions et des millions de gens ont défilé de par le monde. Cela rendait confiant en l’être humain. Et pourtant la guerre a eu lieu. La guerre immorale. Avec des justifications fallacieuses qu’on essaie maintenant de minorer pour en avancer d’autres. Et pour cause ! On ne les a toujours pas trouvées, les fameuses armes de destruction massive ! Alors on évoque le changement nécessaire de régime. Mais c’est à qui de décider des changements de régime ? Aux plus puissants ? En dehors de toute loi internationale ? C’est quand même inouï ! Les Américains osent aujourd’hui affirmer que plus de 10 000 civils tués constituent un coût très faible pour obtenir la démocratie. Un coût très faible ? Vous vous souvenez comme ils pleuraient leurs 3 000 morts du 11-Septembre ? »

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